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mieux dire, aux combats de bâtiment à bâtiment, d’escadre à escadre, où l’on n’use que de ce genre de feux.

En vain m’opposerait-on qu’aux limites extrêmes de leur portée, — 18 000 mètres, peut-être 20 000, pour les plus grosses bouches à feu actuellement en service, — les obus des canons longs tombent avec des angles de chute de 35° environ. C’est tout à fait insuffisant quand il s’agit de défoncer des casemates bétonnées à grande épaisseur[1], les abris de munitions et de personnel, ou encore d’atteindre efficacement, derrière les parapets, les plates-formes, les châssis, les affûts des canons et ces canons eux-mêmes. Pour obtenir ces résultats, plus décisifs que le bouleversement produit dans la masse couvrante par les projectiles des canons longs, il faut des obus dont l’angle de chute atteigne 60° environ. Or cette condition ne peut être remplie que si ces obus sortent de la bouche d’une pièce susceptible d’être pointée avec une grande inclinaison et tirant en barbette au-dessus d’une tourelle non fermée ; d’une pièce aussi qui, dans ces conditions de tir, n’exerce pas sur le pont ou sur les fonds de son véhicule flottant une réaction trop vive et, donc, qui ne projette sa « bombe » qu’avec une faible charge. C’est la définition de la pièce courte, l’obusier, ou le mortier.

Mais ici une objection se présente. Tirant à faible charge et avec un grand angle de projection, l’obusier ne peut prétendre à une grande portée. De plus, le bâtiment qui le porte, — son affût flottant, — se meut avec lenteur et ses facultés défensives n’ont rien de comparable à celles du cuirassé d’escadre. Autant de motifs qui donnent l’avantage au canon de côte, si celui-ci a pu régler son tir avant l’obusier, ce qui lui sera d’autant plus facile qu’il tire plus juste aux distances moyennes et plus rapidement, en général.

C’est pour cela qu’autrefois, — et pas si loin, après tout, le 17 octobre 1854 devant Sébastopol, par exemple, — on avait soin d’embosser les bombardes derrière un repli de la cote qui couvrait au moins leurs œuvres vives. Ce repli de la côte, on ne le trouvera pas partout ; mais il y a d’autres moyens de se tirer d’affaire avec les radeaux métalliques à moteurs qui serviront de véhicules à nos gros obusiers. Ceux de mes lecteurs

  1. Je rappelle qu’il n’y a d’ouvrages à casemates ou coupoles métalliques (fonte dure Gruson) sur la côte allemande, qu’au fond de l’estuaire de la Weser.