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et non pas une attaque préventive analogue à celles auxquelles se livrent nos adversaires sur le front continental, lorsqu’ils nous soupçonnent de vouloir attaquer nous-mêmes. Jusque-là le commandement naval allemand s’en tiendrait sans doute, contre l’assaillant se rapprochant de son littoral, à des coups de surprise frappés par ses flottilles de bâtimens légers combinées avec des sous-marins et des appareils aériens, dirigeables et hydravions.

Voilà justement, dira-t-on, qui serait dangereux pour les dreadnoughts, si bien gardés qu’ils fussent. Peut-être. Mais, depuis trois ans que, dans la mer du Nord, le 22 septembre 1914, disparurent les trois beaux croiseurs cuirassés anglais, Hogue, Cressy et Aboukir, bien des procédés de protection, dont quelques-uns vraiment efficaces, ont été proposés aux amirautés. Il n’est pas possible que, si on le veut, un dreadnought à la mer, marchant à faible vitesse, dans des circonstances de temps ordinaires, ne soit pas pourvu d’un de ces dispositifs[1], aménagé, bien entendu, de telle sorte qu’il pût s’en débarrasser, le « larguer » incontinent, si les éclaireurs signalaient au loin la présence d’une armée ennemie. C’est, du reste, une question de savoir si une grande supériorité de nombre et de puissance individuelle des unités de combat ne permet pas de faire de sensibles sacrifices sur la vitesse, au moins dans une rencontre tactique. Or nous savons, — M. Lloyd George, il y a quelques jours, prenait la peine de nous le dire, — que nos alliés d’Angleterre ont, depuis la bataille du Jutland, augmenté d’une façon marquée l’effectif total et l’armement de leurs très grandes unités, lesquelles dépassaient déjà sensiblement, par le nombre et par la puissance individuelle, le 31 mai 1916, leurs rivales allemandes. Il n’est pas probable que l’état-major naval de Berlin, particulièrement occupé de construire des sous-marins et des submersibles de grande taille, ait pu lutter de ce côté-là avec l’amirauté britannique. On ne saurait tout faire à la fois, surtout quand la première matière essentielle, le fer, commence à se faire rare.

  1. Tout système de protection contre la torpille ou la mine adopté postérieurement à la construction d’un bâtiment aura toujours pour effet de diminuer la vitesse et, quelquefois, les facultés de gouverne de cette unité. Il faut s’y résigner sans arrière-pensée. La seule chose que l’on puisse demander, répétons-le, c’est que le bâtiment puisse se débarrasser rapidement de son bouclier, si bouclier il y a.