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tionnelle fut discutée au Reichstag, nous avions demandé que le délai pendant lequel le ministère pourrait gouverner le pays, sans budget régulièrement voté, fût fixé au maximum à six mois. Le chancelier s’opposa de toutes ses forces à cette limitation et le Reichstag lui donna raison.

Le gouvernement d’Alsace-Lorraine pouvait donc proroger indéfiniment le Parlement et, pendant toute la durée de cette prorogation, il était autorisé à prélever les impôts et à engager les dépenses publiques, sur la base de l’exercice précédent. De plus, pendant cette période, le souverain avait le droit de promulguer, en toute matière, des décrets ayant force de loi, à la seule condition que ces décrets fussent soumis ensuite à la ratification du Parlement, après sa nouvelle convocation. Le droit budgétaire et législatif des Chambres devenait, dans ces conditions, complètement illusoire, le ministère pouvant, quand bon lui semblait, rétablir, sans limitation de temps, la pire de toutes les dictatures.

On avait ainsi mis au peuple alsacien-lorrain des menottes encore plus lourdes que celles qui avaient déjà meurtri sa chair sous le régime précédent. Néanmoins, comme je l’ai fait remarquer, la nouvelle constitution était susceptible de développemens intéressans, et c’est ici que nous rentrons dans l’actualité.

Guillaume II, qui, déjà, dans l’affaire du Brunswick, avait montré qu’il savait parfois faire passer ses sentimens familiaux avant ses intérêts dynastiques, rêvait de doter un de ses fils d’une couronne. L’Alsace-Lorraine devait, dans sa pensée, devenir l’apanage d’un Hohenzollern, qui y aurait fondé une nouvelle dynastie. Tout était donc préparé, dans le pays d’empire, pour rendre aisée la réalisation de ce plan machiavélique.

Le pays était doté de tous les organismes d’un État indépendant. Le Bundesrath et le Reichstag avaient d’un autre côté pris l’habitude de s’en désintéresser. Ils avaient même consenti à ce que l’Alsace-Lorraine fût représentée par trois délégués au Conseil fédéral, avec cette seule restriction que ces délégués, étant « instruits » par le statthalter, lui-même nommé par l’Empereur, leurs voix seraient annulées toutes les fois qu’elles donneraient la majorité à la Prusse.