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lières. De fait, notre petit pays était donc encore devenu une sorte d’annexé de la Prusse.

L’Empereur ne pouvait-il pas d’ailleurs, en nommant et révoquant à son gré le statthalter et les membres du ministère d’Alsace-Lorraine, exercer une influence prépondérante sur la marche de nos affaires ? Il n’en reste pas moins vrai que la loi constitutionnelle de 1879 avait maintenu, au moins en théorie, le principe du pays d’empire, propriété collective des États allemands.

Celle de 1911 devait le confirmer, mais avec des atténuations considérables et susceptibles de développemens intéressans.

La transformation radicale qu’elle prévoyait était la suivante : le Bundesrath et le Reichstag s’éliminaient eux-mêmes de la législation de l’Alsace-Lorraine qui, en titre, était désormais attribuée à deux Chambres indépendantes. La délégation de l’Empereur était maintenue, mais cette souveraineté ne restait plus liée aux restrictions antérieures, puisque le Conseil fédéral renonçait à la partager. La Chambre basse était élue au suffrage universel (60 députés, dont 1 par canton). La Chambre haute se composait de 5 membres de droit (dignitaires ecclésiastiques et civils) et de 26 autres « sénateurs » dont la moitié étaient élus par des corporations (corps professoral de l’Université, consistoires israélites, chambres de commerce, chambres d’artisans, conseil de l’agriculture, conseils municipaux des quatre grandes villes), et l’autre moitié, nommés directement par le souverain. Le statthalter, ou gouverneur, était assisté, dans l’exercice de ses fonctions, par un secrétaire et trois sous-secrétaires d’État, nommés et révoqués par l’Empereur. Le statthalter était en même temps le représentant de l’Empereur et son ministre pour l’Alsace-Lorraine.

Il semblerait à première vue que, dans cette transformation de notre statut national, une partie au moins de nos revendications eût été réalisée. Ce serait mal connaître les Allemands que de supposer qu’ils puissent se montrer ou généreux, ou simplement justes. Toutes les précautions avaient été prises, en effet, pour paralyser à l’avance toute velléité d’opposition nationale.