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les hôpitaux ou les rudes travaux des champs, les femmes notamment ont parfois porté jusqu’à l’héroïsme une abnégation digne de leur sexe et de leur race. Sur le front enfin, la brillante jeunesse que l’appel aux armes avait brusquement jetée de la vie civile dans les tranchées a subi, au contact des dures réalités de la guerre, une transformation morale dont l’un de ses représentans nous a fait comprendre la nature et la portée dans cette page enflammée : « C’est pour toi, ô Italie ! que combat cette jeunesse évaporée, qui jusqu’à hier encombrait les bibliothèques, moisissait sur leurs bancs, s’intoxiquait dans les cafés-concerts, jouait inconsciemment au bridge et au tennis et semblait éloignée de mille lieues des idées de paix ou de guerre, mots vides de sens pour les cinq sixièmes des Italiens. La guerre de Libye ne fut pas sentie et vécue par -l’Italie, et elle ne pouvait pas l’être, car ce n’était qu’une entreprise de conquête coloniale. La guerre contre l’Autriche, au contraire, nous a été léguée par nos pères et nous l’avons dans le sang… La nouvelle génération était malade d’arrivisme, de pacifisme et de municipalisme. La lutte entreprise pour les frontières de l’Italie, pour la terre et pour les mers de l’Europe, l’a guérie de ses infirmités : elle est venue jeter sur la balance internationale l’ambition d’un grand peuple et la force d’une grande Puissance[1]. »

Ces fières paroles peuvent servir à préciser le genre particulier d’intérêt que présente l’enquête dont elles forment la conclusion naturelle. Les récits de guerre italiens ne nous renseignent pas seulement sur la psychologie de leurs auteurs, sur les conditions particulières de leur campagne, sur l’importance du rôle que joue leur pays dans l’œuvre commune des Alliés. Ils offrent à nos yeux une image de l’Italie nouvelle, telle que les traits commencent à s’en dégager dès maintenant à travers la fumée des champs de bataille ; et à ce titre ils représentent pour nous, en même temps qu’un recueil de documens utiles pour les événemens d’aujourd’hui, une contribution précieuse à l’histoire de demain.


ALBERT PINGAUD.

  1. Pascazio, pp. 86, 185, 198, 216.