Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

démoralisation, avec une vaillance joyeuse qui arrachait à un témoin cette exclamation : « Jamais ses vertus ne seront suffisamment appréciées[1] ! »

Pour justifier toutes les espérances qui reposaient sur elle, il lui restait encore à déployer ces facultés d’organisation matérielle, si importantes dans l’immense mécanisme de la guerre moderne, dont ses adversaires revendiquaient le monopole et refusaient particulièrement le don aux peuples latins. Elle a surmonté cette dernière épreuve d’une manière d’autant plus méritoire que, dans la région alpestre notamment, elle avait à vaincre des difficultés de transport comme aucune autre armée peut-être n’en a rencontré. Les visiteurs français admis dans ses lignes n’ont pas caché l’admiration que leur inspirait le fonctionnement à la fois impeccable et économique de ses services administratifs. Dans leurs lettres du front, ses soldats se félicitent d’être mieux nourris que chez eux et les officiers de retrouver, à côté du nécessaire, le superflu même dont ils croyaient devoir être sevrés en campagne[2]. La question de l’hygiène n’a pas été résolue avec moins de bonheur que celle du ravitaillement, d’abord par d’abondantes distributions d’effets de laine, et même de poêles de tranchée en hiver, puis par l’établissement d’hôpitaux qui représentent des modèles de confort et de propreté. L’artillerie inspire une confiance croissante à la troupe par la merveilleuse précision de son tir, la beauté de son matériel et l’excellence de ses munitions. Le génie utilise les connaissances acquises dans la vie civile par ses réservistes pour construire en territoire conquis un réseau de routes alpestres entreprises avec une hardiesse toute romaine : Par leur coordination enfin, les services de l’arrière présentent un spectacle rassurant de minutieuse prévoyance et de force ordonnée. « Je me sens rempli d’orgueil, écrit Borsi après les avoir vus fonctionner à Udine, à l’idée que moi aussi j’ai l’honneur de faire partie de cette machine animée et intelligente[3]. »

La fierté de ce sentiment ne tarde pas, chez les combattans italiens, à se doubler d’un autre motif de confiance. Au début, beaucoup d’entre eux parlaient sans haine d’un adversaire qu’ils

  1. Begey, pp. 47, 57-61, 75-76, 80 ; — Margheri, pp. 63, 66, 67 ; — Azione du 7 novembre 1915.
  2. Pascazio, p. 84 ; — Margheri, pp. 23, 72.
  3. Borsi, p. 5.