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dessus de nos têtes. » Ce langage étonnera-t-il sous la plume de celui qui avait pour mission d’introduire chez nous les écrivains de tous les pays ? Il signifiait qu’autant il est nécessaire pour nous de connaître ce qui s’écrit hors de chez nous, afin de « réagir » suivant notre esprit propre, autant il est ridicule et dangereux de nous mettre à la remorque d’un génie étranger. Entre tous les livres à travers lesquels Wyzewa promenait sa curiosité, ceux auxquels il allait tout droit c’étaient les biographies, souvenirs, mémoires personnels, lettres, journaux intimes. C’était « son gibier en matière de livres, » comme eût dit Montaigne dont il partageait le goût pour tout ce qui est trait de caractère et détail de mœurs. Comme nos moralistes des seizième et dix-septième siècles, il avait le goût des âmes. Ce lui était un plaisir jamais épuisé de se pencher sur ces énigmes qui peu à peu se découvrent à nous et s’expliquent, à mesure que nous arrive l’écho des lointaines confidences. Les succulentes et suggestives biographies, il les aimait plus que les romans les plus beaux, sachant bien que, pour le romanesque, aucun roman ne peut rivaliser avec certains romans vécus. Pour qui sait regarder et regarder de près, toute destinée humaine, fût-ce la plus unie, prend un intérêt merveilleux. Mais les types auxquels Wyzewa revenait le plus volontiers, c’étaient les types d’aventuriers, coureurs d’aventures politiques, littéraires, sentimentales, parce qu’il retrouvait en eux cette même humeur vagabonde dont il sentait le germe au fond de lui-même. Et l’aventure qui lui était, plus qu’aucune autre, une source d’étonnemens sans fin et de méditations inépuisables, c’était celle de ces femmes aimantes et malheureuses, comme l’histoire des hommes célèbres en offre tant d’exemples, malheureuses par trop d’amour et capables de tous les sacrifices, hors celui de cet amour qui les crucifie. Comme il savait écouter les battemens de ces cœurs meurtris ! Dans ses livres défile toute une théorie de ces héroïnes lamentables et touchantes, martyres volontaires de l’amour.

Historien de l’art, Wyzewa a étudié, avec la même curiosité intelligente et le même dilettantisme attendri, les chefs-d’œuvre de tous les temps et de tous les pays. Un jour qu’il visitait une église à Nuremberg, il prêta une oreille, d’abord amusée et peu à