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« Monsieur le commandant, vous êtes sans doute instruit des événemens qui se sont passés depuis peu… Votre devoir et votre intérêt futur vous engagent à arborer ce drapeau blanc si cher aux bons Français. Rappelez-vous, monsieur le commandant, que Louis XVIII, qui n’a que trop pardonné, n’a point étendu sa clémence sur le maréchal Davoust, qui a fait tirer sur le pavillon blanc. C’est au nom de Louis XVIII que je vous engage à remettre votre forteresse… »

Cette lettre attira à Langeron une dure leçon de patriotisme ; le général Thomas lui répond dédaigneusement :

« Je n’ai de réponse à vous faire que de vous assurer que les malheurs de ma patrie n’ébranleront jamais ma fidélité, et que la place que je commande ne sera remise qu’au gouvernement qu’elle se sera librement chois !… »

Le lendemain, 6 juillet 1815, c’est le prince Charles de Mecklembourg qui écrit à son tour au général Thomas, l’informant qu’il vient d’arriver avec son corps d’armée pour assiéger Sarre louis, si le général ne capitule pas : « Je me flatte que votre réponse, que j’attendrai jusqu’à midi, me mettra à même de ne pas agir offensivement. »

Thomas répond stoïquement :

«… L’empereur Napoléon n’étant plus le chef de l’Etat, et les hautes Puissances ayant formellement déclaré qu’elles ne prétendaient pas gêner la Nation dans le choix de la forme de son gouvernement, la guerre qu’on nous fait n’a plus d’objet. Permettez-moi d’être étonné qu’on parle encore d’hostilités. Je commande cette forteresse au nom de ma patrie et je la lui conserverai jusqu’à la dernière extrémité, dût-elle être réduite en cendres. La population et la garnison partagent ma détermination. »

Le même jour, le duc de Mecklembourg faisait passer un billet secret au général Thomas pour essayer de le corrompre ; il lui disait : « Je suis prêt à vous accorder, pour votre personne, les conditions les plus honorables et les plus avantageuses en tous sens, et qu’il me sera un véritable plaisir de prévenir tous vos désirs… »

Au bas de cette lettre, on lit, écrit de la main du général Thomas : « L’aide de camp, porteur de la présente, était chargé de m’offrir un soi-disant cadeau de 500 000 francs et le grade de lieutenant général en Prusse, s’il me convenait. »