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d’inonder les fossés qui faisaient le tour des murailles ; ce pont était protégé, sur la rive gauche, par un ouvrage avancé, percé d’une poterne qu’on appelait « la porte d’Allemagne ; » elle donnait accès à une route qui suit la Sarre, et, par Merzig, va jusqu’à Trêves, distante de 63 kilomètres. À l’extrémité de la ville, opposée au pont, une autre poterne, dite « porte de France, » surplombait le canal ou bâtardeau qui amenait les eaux de la rivière dans le fossé méridional de l’enceinte. De cette porte partait une route directe de Sarrelouis à Metz, passant par Boulay et traversant la Nied.

Comment s’est peuplée cette place créée en pleins champs, qui n’avait ni commerce, ni industrie, et dans les environs immédiats de laquelle il n’existait alors ni fabrique, ni établissement d’aucune sorte ?

Les auteurs allemands, — Baedecker, au moins dans ses premières éditions, — n’ont pas hésité à dénaturer les origines de la forteresse française, en affirmant que Louis XIV l’avait peuplée de forçats et qu’il en avait fait une colonie pénitentiaire, une place de déportation pour des condamnés. C’est là une calomnie infâme, une assertion qui ne repose sur aucun témoignage ; elle est d’ailleurs invraisemblable, car si Sarrelouis eût été un lieu de déportation, même pour des forçats libérés du bague, il fût devenu par la suite impossible d’y faire habiter des gens honnêtes. On connaît, au surplus, authentiquement, la véritable origine des premiers Sarrelouisiens : registres et documens sont là, et les souvenirs des familles ne sont pas perdus dans la nuit des temps.

C’étaient des habitans des villages voisins, en particulier ceux de Vaudrevange, petite ville fortifiée, située sur la Sarre, près du confluent de la Prims, à une demi-lieue en aval de Sarrelouis. Vaudrevange avait été, comme toute la contrée environnante, ravagée et en partie ruinée pendant la guerre de Trente Ans. En 1643, le sieur de Pontis, allant avec sa troupe de Longwy à Sarrebourg où il devait rejoindre le maréchal de Guébriant, passa par Vaudrevange ; il en raconte ce qui suit dans ses Mémoires :


Vaudrevange, dit-il, est située sur les confins de la Lorraine, environ à quinze lieues de Metz. Elle est composée également d’huguenots et de catholiques. L’église des catholiques sert aussi de