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L’Allemagne ne l’avoue pas, mais elle le sait, ou elle le sent. Aussi est-elle, dans le fond, aussi inquiète, peut-être plus inquiète, de l’après-paix que de la paix même. Son angoisse secrète est que la paix ne mette pas fin à la guerre. Elle commence à se rendre compte de ce qu’elle n’avait jamais compris, de ce qu’elle se croyait capable de mépriser : de l’importance matérielle de l’élément moral. Elle soupçonne que l’estime pourrait être dans le monde, à la longue, une plus grande force que la terreur, et qu’il faut n’y pas avoir une trop mauvaise cote, quand, il n’est plus certain qu’on soit assez redoutable pour le faire trembler. Ses fins n’étaient atteintes qu’à la triple condition d’écraser ses adversaires, de dissoudre leur coalition, d’attirer à elle les neutres. N’ayant pu y réussir, elle se trouve contrainte à s’amender. Épuisée et mise hors d’état de se refaire aux dépens d’autrui, condamnée à se refaire à ses propres frais, par son travail, comme son expérience lui a enseigné que le commerce suit la victoire, et que le drapeau est la plus efficace des marques de fabrique, trop peu victorieuse militairement, moralement battue, l’Allemagne en vient aux propos raisonnables : de là tous ces ballons d’essai, — paix de compromis, paix de conciliation, motion du Reichstag, discours du chancelier. — M. Michaëlis, qui, dans son maiden speech du 19 juillet, avait été énigmatique, dans celui-ci, sur la Note pontificale, a été sybillin. On s’apprêtait à couper en quatre ses paroles: on n’eût coupé que du vent. Approuve-t-il ? Désapprouve-t-il ? Il se borne à jurer qu’il n’a rien demandé, qu’il n’a pas, pour que le Pape y jetât cette aumône, tendu le casque impérial. La Commission plénière du Reichstag soupèse l’offre et ne la repousse point. Par ce double jeu, le Chancelier ne décourage pas, le Parlement encourage les interventions, tous les deux donnent du ton au peuple allemand et du temps à son Hindenburg. Mais nous, ne nous attendrissons pas au charme émollient d’un mot vide et perfide. Militairement de plus en plus assurés, et moralement triomphans, grandis dans le respect universel, nous n’avons qu’à tenir en attendant l’inévitable, et, pour tenir fermement, à ne pas trop parler de paix, à ne pas trop en écouter parler, jusqu’à ce que notre constance ait rendu possible la paix nécessaire.

Se taire est une façon de vaincre. Nous voudrions que les socialistes, ceux de chez nous du moins, en fussent persuadés, et voulussent bien laisser là leurs conférences de Stockholm, de Pétrograd, de Londres, leurs conseils et congrès de Paris, toutes leurs confabulations S’ils ne s’y résignent pas, s’ils s’entêtent, c’est que le véritable