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aux premiers rangs desquels le personnel rémois venu des points les plus éloignés de la ville, sans nul souci du danger, pour apporter la dernière expression de sa sympathie attristée à une collègue qu’il estimait tout particulièrement.

Maintenant, nous voilà en route vers le cimetière du Nord, tant de fois bombardé et criblé d’obus ; le conservateur y a été tué récemment devant sa porte et on ne compte plus le nombre de victimes faites par l’ennemi, sur la place de la République toute voisine. La sépulture de la famille est tout au fond du cimetière. Le cortège avance par de tortueuses et interminables allées, passant au milieu des tombes brisées ou trouées d’obus, près des sépultures éventrées et des arbres coupés. Enfin on arrive. En quelques mots je rappelle la vie toute de dévouement de la défunte, ses mérites professionnels, puis un dernier adieu, et la foule s’écoule…

Vendredi 3 mars. — Dès huit heures un quart, ce matin, on arrive en hâte m’informer qu’un obus est tombé cette nuit dans une classe, de l’école de la place Bétheny où il a tout démoli. « Que faire ? demande la directrice. — Fermer immédiatement. » Je me rends de suite à l’école Bétheny. Le trou fait dans la façade est énorme et les éclats de l’obus permettent de déterminer que c’était un 150. La classe est naturellement couverte de plâtras, les portes tordues, les murs et le plafond criblés de trous. — Cette classe n’était ouverte que depuis un mois. Quelle chance que l’événement n’ait pas eu lieu pendant les heures de cours ! Je vais mettre le maire au courant de la situation. Je voulais fermer pendant un mois les écoles les moins protégées, notamment celle de la place Bétheny, et des rues du Ruisselet et Anquetil, mais le maire insiste pour le maintien des cours. Toutefois l’école Bétheny sera transférée dans les caves Mumm, où était autrefois l’école « Joffre, » qui ainsi renaîtra.

Lundi 27. — A neuf heures, j’allais partir pour procéder à la réinstallation de l’école « Joffre, » dans les caves Mumm, lorsque j’entendis très distinctement un premier sifflement suivi d’un éclatement tout proche, puis plusieurs autres siffle-mens suivis ou non d’éclatemens ; il n’y avait pas de doute, on bombardait et « cela ne tombait pas loin. » Je donne ordre, dans les trois écoles du groupe, de prendre immédiatement les mesures habituelles, et charge une institutrice de suivre de la