au point d’arrivée, le temps présent soutiendra glorieusement la comparaison avec le passé.
L’effort des paysannes depuis le début de la guerre est très méritoire, même sans faire intervenir les conditions morales au milieu desquelles il se poursuit : le champ si vaste, les bras si débiles, le travail si dur, l’anxiété des lettres attendues, trop souvent le deuil. Peu ou prou, ces conditions sont celles de tout le monde. D’autres circonstances s’ajoutent ici, spéciales et aggravantes. Sans doute, en temps ordinaire la femme travaille la terre avec son mari, mais celui-ci garde pour son compte la part la plus difficile, la plus pénible, la plus dangereuse. Voilà que des deux associés la femme reste seule, supportant tout le poids du travail, qui par cela même devient pour elle franchement mauvais. Celui de l’usine, malgré les apparences, est meilleur.
On ne compare pas ici la salubrité générale dans les deux cas, où l’avantage reste à l’air pur des champs, mais la technique même du travail. À l’usine tout est calculé pour produire le maximum d’effet avec le minimum d’effort, et on tient compte des forces de la femme, même de sa physiologie. Une surveillance est exercée, qu’au besoin le médecin éclaire. Loin comme près de la machine, le travail se déroule en une succession d’actes, toujours les mêmes, sans flottemens, sans arrêts, reprises et à-coups. De ces actes, quelques-uns peuvent être pénibles, mais, comme ils se répètent sans cesse, toujours les mêmes, une certaine adaptation du corps s’y fait, qui diminue la peine…
Rien de pareil à la métairie. Dans la journée agricole, à côté des tâches légères, même charmantes, combien d’autres où la violence de l’effort est nécessaire et la surprise des brutales secousses inévitable ! Voyez la paysanne accrochée à la charrue sur ce guéret, aux mottes grosses et dures, où chaque pas lui fait perdre l’équilibre. Voyez-la tressautant sur la selle étroite de la faucheuse, ou d’une main saisissant par la corne une vache qui fuit pour la soumettre au joug qu’elle tient de l’autre, ou suspendue aux ridelles de la charrette pour arrêter le chargement qui penche à la traversée d’un ruisseau. Notez que cette femme est passée par les épreuves de la maternité : si légère que soit la noble meurtrissure, elle est un ébranlement des organes qui redoutent avant tout la violence et la brusquerie