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La terre pendant l’épreuve

Le devoir paysan


La guerre actuelle est pour nos campagnes une épreuve extraordinaire, qui rend plus pressant notre devoir envers la terre. La question est grave, même capitale, et on ne lui avait peut-être pas accordé jusqu’ici toute l’attention qu’elle mérite : bien des gens n’ont découvert l’importance du ravitaillement intérieur que le jour où les difficultés de l’autre sont venues changer la couleur et le goût de leur pain quotidien. On entend bien que le devoir envers la terre est celui de tous ceux qui la travaillent à des titres divers, propriétaires, fermiers, métayers, domestiques, ouvriers, celui de tous ceux qui la possèdent sans la travailler, de bien d’autres encore, plus ou moins associés à son travail, et qui en ont indirectement la responsabilité. On les pourrait tous comprendre sous un seul et beau nom, celui de « paysans, » en donnant au vocable la plénitude de sa force et une éminente noblesse, celle de notre terre elle-même, forme et figure, fondement et substance de la patrie. Il y a donc un « devoir paysan. » Quel est-il, ce devoir, pendant la guerre ?

La question a été posée. Voici la réponse, qui sera courte et précise. Elle n’est pas de moi et, comme on va le voir, n’y perdra rien.

Un jour de l’été dernier, j’étais allé voir dans mon voisinage une jeune femme de trente ans, que la mort de son mari laissait veuve sur une petite métairie avec deux enfans en bas