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L’inspiration bouddhiste et la légende nipponne se rencontrent ici pour célébrer l’âme des plantes et y retrouver tout ensemble Bouddha, la poésie et l’apaisement par le « karma » des mânes irrités et de la vie persécutée de Michizane. Plusieurs « motifs » se mêlent ainsi, comme l’aime l’esprit raffiné des lettrés et des spectateurs japonais, et contribuent à donner au drame lyrique plus de prise sur l’âme du public. En même temps que le moine, auteur et poète du drame, y introduit, avec l’histoire et la légende de la fondation d’un temple, un des enseignemens de la doctrine bouddhiste, il y insère, comme lettré, mainte réminiscense des livres classiques de la Chine ou des anciennes poésies japonaises ; il y ajoute enfin, comme musicien et chorégraphe, les effets puissans de la mélodie descriptive ou évocatrice et de la mimique rythmée. Il y a Là une plénitude d’émotions et sensations qui se multiplient, se fortifient les unes les autres et forment un intense crescendo. Lorsque l’orchestre entame, à l’heure de la crise et du dénouement, les premières notes de la danse finale, le spectateur est dans l’état d’âme recherché et voulu par l’artiste comme par lui-même, et dont le caractère est, en ce sens, à ce degré, presque aussi religieux qu’artistique.


IV

La seconde pièce inscrite maintenant sur le programme, et qui appartient à la série des apparitions d’hommes, surtout du guerriers (« shura-mono »), est le célèbre Nô d’Atsumori, dans lequel l’esprit d’Atsumori, jeune guerrier de la famille des Taira, apparaît à son ancien adversaire Kumagai no Jirô Naozane, du clan des Minamoto, qui l’a tué dans la bataille du défilé de Suma et qui, par chagrin et remords, s’est retiré dans un couvent où il est devenu le moine Kensei.

Cet épisode de la lutte acharnée des Taira et des Minamoto qui se disputèrent le pouvoir au XIIe siècle, avant l’établissement du shogunat de Kamakura, est l’une des histoires ou légendes favorites du Japon. Les deux héros qui y figurent, le prince Atsumori, provoqué au combat par Kumagai, l’un des vétérans de l’armée des Minamoto, et le vétéran Kumagai qui, après avoir tranché la tête de son jeune ennemi, est pris de pitié, de repentir, et consacre la fin de sa vie à l’expiation, sont