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revue mensuelle, la Nôgaku, est, depuis 1902, régulièrement consacrée à tout ce qui concerne les Nô. Depuis l’année 1903 a été publiée une série d’albums contenant des reproductions photographiques de scènes de Nô, de vêtemens, masques et objets divers employés dans les représentations. Plusieurs écoles de Nô, particulièrement les cinq écoles destinées à former les acteurs qui jouent le rôle principal (shite), à savoir les écoles Kwanze, Hòshô, Komparu, Kongô et Kita, rivalisent dans l’interprétation et la représentation du répertoire. À Tokyo même, à Kyoto, à Nara, ces écoles ont leurs théâtres ayant chacun leurs habitués et leur clientèle. Le grand temple shintoïste Yasukunijinska, élevé à Tokyo, sur la colline de Koudan, dans le voisinage de l’ambassade de France, contient, dans un bâtiment annexe, une grande salle, la Nô-gaku-dô, spécialement consacrée à la représentation des Nô par les acteurs des diverses écoles.

C’est là que j’ai, de 1907 à la fin de 1913, aidé de savans interprètes, tels que M. Noël Péri, dont j’ai déjà mentionné les travaux, et M. le commandant Raymond Marlinie, attaché naval de notre ambassade, et l’un des maîtres les plus experts de la langue japonaise, entendu et vu une série de Nô, les plus intéressans, les plus caractéristiques, ceux aussi qui sont le plus souvent donnés et qui ont la faveur du public. Je n’oublierai pas les heures vraiment exquises passées dans cette annexe du temple de Koudan et les sensations d’art que j’ai partagées là avec un auditoire recueilli qui suivait sur le texte la représentation des vieilles pièces, qui savait par cœur les beaux passages, hochait la tête à l’audition des principaux morceaux de musique instrumentale et admirait en connaisseur les pas mimés et rythmés des danses hiératiques.


II

La scène sur laquelle se jouent les Nô n’était, à l’origine, qu’une simple estrade couverte destinée à la danse (butai). Elle s’est un peu agrandie et étendue au XVe siècle, mais en gardant la simplicité rude et nue qui lui convient si bien et qui, comme le décor sommaire de l’ancien théâtre shakspearien, laisse une ample et heureuse place à la liberté de l’imagination.

La dite scène, construite en bois, s’élève d’ordinaire au milieu d’une cour carrée, dont deux ou trois côtés sont occupés