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l’agriculture récemment revenu d’exil, apôtre inquiétant de la nationalisation de la terre ; d’autres encore que le public se montre et dont il redit les noms.

Les discours, et particulièrement celui de Kérensky, « venu avec une émotion jamais éprouvée devant ces hommes de la terre qui ont supporté les lourdes tâches et accompli ce qu’il y a en Russie de meilleur et de plus beau, » atteignent un pathétisme digne d’une chrestomatie des grands discours politiques de l’humanité contemporaine. On ne peut, sans en avoir été témoin, se faire une idée des flots d’éloquence qu’a fait couler cette révolution.

Mais l’éloquence ne serait qu’un vain bruit si elle ne déterminait les actes. C’est ce qu’a compris le Congrès qui se propose de faire avec le gouvernement, avec les ouvriers et les soldats, tout le nécessaire pour sauver les conquêtes de la révolution et « garder devant le monde la dignité de la Russie. »


« PANEM NOSTRUM QUOTIDIANUM »

Le journal Isviesta, organe du Conseil des ouvriers et soldats, a porté en manchette, le jour de l’ouverture du Congrès des paysans, cet émouvant appel : « La Révolution a besoin de pain, ne l’oubliez pas, frères paysans ! »

Le manque de pain ! C’est, en effet, le mal dont nous souffrons le plus, depuis quelques jours. Au début de la Révolution, un régiment a été employé à désencombrer cette inattaquable forteresse qu’était la gare Nicolas. Les sacs de farine, la viande gelée se répandirent a pleines télégues dans les rues de Pétrograd et de là chez les marchands. Pendant quelques jours, ce fut presque l’abondance. On fêta la Pâque avec les gâteaux monumentaux de jadis ! Les journaux publièrent des colonnes de dons volontaires en blé ou en farine faits par les villes des provinces et par les villages aux postes de ravitaillement des soldats. Ce moment de bien-être fut court. De nouveau, et malgré que la bise souffle parfois forte et froide du côté de la Neva, des ménagères, des hommes et parfois des enfans stationnent dès les premières heures du jour devant les boulangeries, pour s’en retourner, hélas ! avec une ration chaque jour diminuée. Il en va de même pour le beurre et le lait que, dans certains quartiers, on réserve exclusivement pour les petits enfans. Et