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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La roue a vite tourné. L’armée russe, qui avait semblé bien partie, portait en elle des germes de décomposition. En moins de huit jours, Tarnopol était prise, les Austro-Allemands se glissaient par les vallées du Sereth et de la Strypa, se répandaient sur les deux rives du Dniester, réoccupaient Halicz, Stanislau, Nadvorna, obligeaient le général Korniloff à une retraite qu’ils inquiétaient ; rentraient dans Kolomea, s’emparaient de Kuty, pointaient vers Czernovitz, vers Kimpolung, débloquaient les cols des Carpathes ; et tous ensemble, le prince Léopold de Bavière, Boehm-Ermolli, l’archiduc Joseph, Kœwess, poussant de toutes leurs forces, à toute vitesse, rejetaient les Russes hors de la Galicie, les pressaient en Bukovine, les ramenaient à leur frontière, la franchissaient. Le Kaiser, réapparu à la lumière, après les entretiens de Berlin d’où il s’était, en l’honneur de son fils, si inopinément exclu, était venu à Tarnopol, moins sans doute pour voir que pour être vu ; et, bien installé au spectacle, dans son automobile changée en trône roulant, il avait à loisir admiré les heureux effets de la valeur de ses soldats et du travail de ses agens.

Malgré la magnifique ardeur de Kerensky, malgré la volonté des chefs, malgré l’effort énergique des régimens restés intacts ou ressaisis, la trahison et l’anarchie ont accompli leur œuvre. Le communiqué russe en fait, étape par étape, le douloureux, l’expiatoire aveu. « En raison de l’inexécution de certains ordres militaires, la résistance de nos troupes ne s’étant pas affirmée comme suffisante... » dit-il le 21 juillet. Le 23, relatant un combat qui s’était d’abord dessiné favorablement dans la direction de Vilna, région du bourg de Krevo : « La conduite d’une partie de nos troupes n’a pas permis d’exploiter ce succès. » Le 26 : « Nos contre-attaques,