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montre les produits fabriqués par les microbes beaucoup plus meurtriers et plus efficaces que les microbes eux-mêmes ?

Il ne faut pas croire d’ailleurs que tout soit parfaitement éclairci en ce domaine, pas plus que dans l’art militaire. Il serait trop choquant que nous connaissions les microbes mieux que nous-mêmes, et il y aurait là un paradoxe analogue à celui de l’astronomie découvrant dans le soleil et dans les confins obscurs de la Voie lactée des corps nouveaux que l’on ne devait trouver que plus tard dans l’air même que nous respirons.

Nous n’en sommes pas encore là dans le domaine de la vie microscopique ; c’est heureux pour divers amours-propres, car enfin quelle contenance devraient garder tant d’augures s’il fallait demander aux cohortes des êtres monocellulaires les secrets de faire de la meilleure manière, battre les hommes entre eux ? La vérité c’est que le rôle des phagocytes dans l’évolution des plaies reste sur bien des points très obscur, et il y a là matière pour nos successeurs à diverses découvertes qui pourraient bien rabattre rétrospectivement notre superbe et montrer un fourmillement d’incertitudes et d’erreurs dans nos idées actuelles.

Car enfin, lorsque tout va bien dans la marche de la plaie, et que l’ennemi faiblit devant l’énergique défense de l’organisme, quand les plaies commencent à se restaurer, quand elles sont, comme on dit, au stade de réparation, alors l’afflux des leucocytes diminue beaucoup. Cette diminution est même une condition essentielle de la bonne évolution d’une plaie. Ce qui domine la scène à ce moment, c’est la naissance du tissu conjonctivo-vasculaire jeune. Or, l’arrivée d’une grande quantité de leucocytes polynucléaires nuit à la poussée du tissu conjonctif. La thérapeutique rationnelle, loin de chercher à favoriser l’afflux des leucocytes, doit donc alors s’efforcer de l’arrêter. Ce ne sont donc pas des panacées universelles que les phagocytes, qu’on croyait toujours débonnaires et bienfaisans, du bon M. Metchnikoff. Ils me semblent plutôt, à l’instar de M. Prudhomme, porteurs d’armes qui servent à défendre notre constitution ou au besoin à la combattre.

Et puisque, malgré nous, notre esprit ne saurait s’échapper des parallélismes analogiques, car nous avons besoin dans notre isolement de sentir partout nos affinités avec les autres créatures, comment ne pas remarquer la haute et grave leçon que nous donnent ces guerriers infimes et candides — c’est leur nom qui le dit — préposés à la garde du corps humain et de sa santé ? Une fois l’ennemi