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renchérissement. On sait avec quelle lenteur et quelles difficultés les syndicats agricoles ont été établis dans notre pays où ils ne groupent d’ailleurs qu’une minorité. Combien il serait plus difficile encore de former des coalitions ou des trusts agricoles sur tout le territoire du pays ! Jamais on n’a pu nous signaler une seule tentative réelle d’accaparement !

La hausse ne pourrait être efficacement combattue ou limitée que par la concurrence étrangère et par la liberté des importations. Or, la cote des marchés étrangers a subi les mêmes fluctuations que les mercuriales françaises, et, d’autre part, nos tarifs douaniers mettent un obstacle aux entrées des produits capables de concurrencer les nôtres. En outre, l’élévation des prix de transport exagère l’action des droits de douane et les rend prohibitifs.

Enfin, il faut se souvenir que si la France n’est pas menacée de la disette, il est cependant bien certain que les quantités produites et disponibles pour la vente ont diminué sous une double influence : celle de la réduction de la main-d’œuvre jointe à la diminution des stocks de matières fertilisantes, et celle des agens atmosphériques qui ont été peu favorables, notamment à la production des grains en 1916. Cette rareté toute relative des denrées agricoles a exercé naturellement une action sur les cours et ne pouvait que contribuer à leur relèvement.

Mais, remarquons-le bien parce qu’il importe de ne pas exagérer, et surtout de ne pas parler de famine ou de disette, notre production agricole reste encore suffisante pour satisfaire à nos besoins, si nous savons faire un utile emploi de nos ressources en renonçant momentanément au bien-être que trop de gens considèrent comme une nécessité.

Bien que les conditions de la production aient changé, bien que les quantités produites aient diminué, nous disposons encore de quantités supérieures à celles que l’on considérait comme normales, en pleine paix, il y a soixante ans.

Ainsi la production annuelle de blé constatée durant la période 1842-1861 s’élève, en moyenne, à 60 millions de quintaux. Eh bien ! la moisson de 1916 a été supérieure à ce chiffre, si l’on y joint la récolte disponible de l’Algérie-Tunisie. On faisait, il est vrai, un plus large usage, à l’époque dont nous parlons, sous le règne du Louis-Philippe, des céréales inférieures,