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des achats de précaution portant sur des denrées de conservation facile, — sucre, œufs, légumes secs, salaisons, farines. Ces achats, multipliés en raison même de la hausse nouvelle que l’on redoute, précipitent l’élévation des prix et correspondent à un état d’esprit qui influe sur la cote en même temps qu’il paraît justifier ou excuser l’ingérence de plus en plus marquée de l’Etat dans le domaine économique.

En fait, comme nous le montrerons bientôt, la hausse des prix est parfaitement justifiée par les conditions nouvelles de la production agricole, en France, et de la concurrence étrangère

De plus, la hausse ne correspond nullement à une réduction énorme ou désastreuse de la production au point de vue des quantités.

Jusqu’à présent, au contraire, les denrées restent abondantes, — relativement, — c’est-à-dire qu’en dépit des difficultés prodigieuses dont doivent triompher les agriculteurs — et les femmes de nos agriculteurs mobilisés, les récoltes ou les produits sont loin d’avoir diminué dans la proportion que semblerait indiquer l’élévation des prix. Une hausse de 100 pour 100 ne correspond nullement à une diminution de moitié du total des quantités réellement disponibles. Et c’est cela qu’il faut bien noter et comprendre pour juger sainement la situation agricole, au lieu de parler de famine et de désastre. C’est cela que nous avons constaté.

Enfin la hausse n’a pas d’adversaire plus redoutable que la hausse elle-même, en ce sens que l’appât d’une recette de plus en plus élevée, équivalant souvent à un profit de plus en plus grand, stimule les énergies, éveille les désirs de gain, et fait des miracles qui se traduisent précisément, à la même heure, sur tous les points du territoire, par un labeur obstiné. Ce labeur maintient la production, l’assure, et prévient, à coup sûr, les réductions dont la hausse des prix conduit à exagérer l’importance quand on ne réfléchit pas et qu’on n’observe pas les faits sur place.

Distinguons donc avec soin la marche des prix et les variations de la production. Ecoutons avec sympathie les plaintes de ceux qui souffrent réellement de la hausse parce qu’elle réduit leur bien-être, mais n’oublions pas ce que tant de gens oublient à cette heure : c’est que nous sommes en guerre. La lutte formidable, subie avec tant de fermeté et poursuivie par la France