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question d’heures. Le 15, veille de l’attaque, une proclamation du Kronprinz porte à la connaissance des troupes un message de l’Empereur : « L’Allemagne a les yeux fixés sur ses braves enfans. Ma pensée est avec eux ; Dieu sera avec nous ! »


IV. — LES ALLEMANDS PERDENT LEURS POSITIONS AVEC L’INITIATIVE. L’USURE DE LEUR ARMÉE.

On n’entre point ici dans le récit de la bataille, — cette bataille que l’Allemagne, dans un communiqué anxieux, appelle « une des plus grandes de tous les temps, » et qui a coûté à son orgueil les plus grands cris de détresse que nous ayons eu encore la joie d’en arracher [1]. Le détail des opérations fera plus tard l’objet d’une étude militaire. Nous ne nous occupons ici que des résultats généraux.

Pour s’en tenir aux grands faits, les Allemands se flattaient, par leur repli du 17 mars, qu’ils nous avaient mis pour des mois hors d’état d’attaquer : moins de trois semaines plus tard, l’attaque anglaise commençait. Ils se vantaient que leurs positions étaient tout à fait imprenables : elles ont été prises sur toute la ligne. Ils s’étaient juré de ne pas laisser un prisonnier entre nos mains : les Alliés en avaient fait, dès le 1er mai, 39 000 qui devenaient, à la fin de juin, plus de 63 000, dont plus de 1 200 officiers, c’est-à-dire un nombre presque égal à celui de nos prisonniers faits sur la Somme en quatre mois. 500 canons, autant de canons de tranchées, plus de 1 300 mitrailleuses demeuraient, entre nos mains, les trophées de la victoire.

La puissance du coup est clairement attestée par toutes les lettres, les carnets de notes trouvés sur les cadavres ou sur les prisonniers. Un mot revient comme un refrain : « C’est pis que sur la Somme. » Les effets du bombardement sont effrayans :


« 9 avril. La nouvelle bataille de la Somme bat son plein : deuxième édition revue et corrigée. J’ai eu hier une veine inouïe : je suis arrivé sans trop de mal à mon poste de bataillon, en nage, voilà tout ; mais la porte à peine fermée, voilà le tir à démolir qui recommence sur les boyaux. Sortir d’ici, il n’y a pas à y songer. Il n’y a pas d’autre issue que les mains hautes. Je vous avertis franchement que si vous

  1. Voir, en particulier, l’article de Salzmann intitulé : « Des nerfs ! » (Vossische Zeitung.)