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III. — LA BATAILLE D’AVRIL A ÉTÉ, POUR L’ENNEMI, UNE BATAILLE DÉFENSIVE

Tel était, dans ses grandes lignes, autant qu’on peut le deviner, le plan dont la retraite était le premier acte. Tel est du moins le programme apparent, le scénario officiel que le commandement allemand fait développer par ses journaux…

Il dut s’apercevoir, au bout de peu de jours, que sa manœuvre ne lui donnerait pas tout ce qu’il s’en promettait. La bataille qu’il venait de refuser au centre se dessinait sur les ailes. Il avait vanté le mouvement de sa ligne u oscillant d’une façon élastique entre les solides points d’appui » que représentent ces deux ailes[1]. Ce sont ces points d’appui — le double pilier de la manœuvre — qui allaient se trouver attaqués.

Rendons justice à l’ennemi : il nous a fort bien vus venir. Une bataille moderne, avec ce qu’elle comporte d’apprêts et de transports, n’est pas une chose qui se cache. Du reste, à tout hasard, il avait pris ses précautions. Il avait, chez nous, le 10 janvier, 130 divisions ; le 10 avril, il en avait 147, dont plus de 40 au repos formaient une réserve immédiatement disponible[2]. Neuf autres étaient en route pour se joindre à celles-là : deux venues de Russie, le reste de formation nouvelle. On voit que les Allemands se tenaient sur leurs gardes. Sur un point, leur prudence se trouva en défaut : ils n’avaient pas prévu que notre front d’attaque s’étendrait à la Champagne.

L’attaque anglaise du lundi de Pâques devança pourtant leurs calculs ; l’ennemi ne l’attendait pas si lot. La nôtre, huit jours plus tard, le trouva mieux en éveil. L’aviation redoublait de vigilance et montait activement la garde ; l’artillerie se montrait chaque jour plus agressive. Nous tombions sur un adversaire parfaitement préparé. Ses réserves étaient à pied d’œuvre. Un placard de von Boehm, affiché le jour de Pâques, avertissait l’armée de la prochaine offensive entre Soissons et Reims.

Les ordres sont catégoriques : on ne devra jamais céder un pouce de terrain. « Comme les organisations en arrière du front, dit le 5 avril une note de la 39e brigade de réserve,

  1. Frankfürter Zeitung, 20 mars.
  2. Sur ce nombre, cinq seulement venaient du front oriental.