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la menace « d’une de ces vastes manœuvres en tenailles dont Hindenburg a le secret [1]. » Le soldat sait bien que ce recul n’est pas définitif « Il fait quelques pas en arrière, mais c’est pour mieux mener la charge [2]. » Et le général von Ardenne : « Les Anglais, ricane-t-il, s’apercevront bientôt si nous leur montrons le dos, ou si ce n’est pas le clair regard d’un visage résolu [3]. »

Là-dessus, on citait l’exemple des retraites qui avaient fini par des victoires ; on rappelait ces fortes manœuvres, suivies de foudroyantes surprises, dont Hindenburg s’est fait une spécialité. C’est ainsi qu’en 1916 il prélude à l’invasion de la Roumanie par l’évacuation d’une partie de la Transylvanie. C’est ainsi que, dans l’automne de 1914, pris sur sa gauche par les Russes pendant sa marche sur la Vistule, il répond à cette attaque de flanc par l’abandon de toute la Pologne et par un regroupement immédiat dans la région de Posen : prodromes de sa victoire de Lodsz que devait suivre, en mai, la percée de la Dunajec. C’est toujours le même Hindenburg qui venait de commander la retraite de la Somme. Qui sait quel coup de boutoir il méditait encore ?

Il est naturellement assez difficile de le dire, puisque ses desseins n’ont pas reçu un commencement d’exécution. Ce qui est sûr, c’est que toute l’armée s’attendait à la reprise de la guerre de mouvement, et que les critiques s’accordaient à y voir la meilleure de ses chances contre des adversaires qui ne la faisaient plus depuis trois ans ou qui, comme les Anglais, ne l’avaient jamais faite. Les troupes allemandes, au contraire, étaient là dans leur élément : presque toutes avaient pris part aux marches et aux campagnes du front oriental. Les Alliés ne pouvaient lutter sur ce terrain avec les vétérans de Pologne, de Serbie et de Roumanie. Dans cette guerre nouvelle l’Allemagne, à défaut du nombre, retrouvait tous ses avantages. Dans les dépôts, les recrues n’étaient plus exercées qu’à la guerre de mouvement.

Le reste est forcément du domaine de la conjecture. Des différentes hypothèses qu’il pouvait se proposer, sur laquelle l’état-major allait-il arrêter son choix ? Il y en a une qui est

  1. Frankfürter Zeitung, 18 mars.
  2. Ibid., 25 mars.
  3. Magdeburgische Zeitung, 25 mars.