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ville et, dès le 13, commencèrent à la bombarder, La journée du 19 fut parmi les plus terribles : c’est à cette date qu’eurent lieu le bombardement et l’incendie de la cathédrale, ainsi que de toutes les rues avoisinantes ; le quartier des Laines, les abords de la place Royale, le centre de la ville et une grande partie du deuxième canton furent également très éprouvés. Comme la mobilisation avait beaucoup réduit le corps des sapeurs-pompiers, les incendies prirent rapidement de grandes proportions et leurs ravages furent considérables. Les jours suivans, eurent lieu des attaques françaises sur Brimont et près de la Pompelle et des ripostes allemandes dans ces deux secteurs avec le but évident de reprendre la ville. L’insuccès fut le même d’un côté et de l’autre. Nous occupâmes Brimont pendant quelques heures, les Allemands nous le reprirent ; par contre, un régiment de la garde prussienne se fit écraser à Cormontreuil et laissa entre nos mains quelques centaines de prisonniers en essayant de rentrer à Reims par le canal.

18 octobre 1914. — Aujourd’hui dimanche, comme presque chaque jour depuis un mois, les Allemands arrosent la ville. Du plateau de Bezannes, où nous sommes venus comme d’ordinaire passer l’après-midi, on a l’impression que « ça tombe » sur le faubourg de Laon. — Ah ! ce plateau de Bezannes ! Ce qu’il fut fréquenté en septembre, octobre et novembre 1914 ! — Situé au Sud-Ouest de la ville, il la domine légèrement et permet d’en découvrir à peu près tous les quartiers. Ajoutez à cela qu’il est tout à côté du faubourg de Paris où, depuis le furieux bombardement du 19 septembre, s’est réfugiée une grande partie de la population qui, candidement, s’y croit à l’abri des canons ennemis. Et comme cette population, attendant chaque jour la délivrance espérée pour reprendre son travail, est inoccupée, elle vient là quotidiennement, le temps étant délicieux, passer l’après-midi, avoir... bombarder sa ville, quelquefois même sa propre maison, ou à écouter le sifflement sinistre des obus dont elle fait le compte sans s’interrompre de causer. Nombre de personnes apportent des longues-vues pour bien déterminer les points de chute et mieux voir les incendies, car il y a souvent encore des bombes incendiaires, ou poursuivre mieux et plus longtemps le vol des avions. Les dames se munissent de tabourets ou de plians ; d’autres, plus simples, utilisent les bancs de