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d’entrer à la Chambre belge. Voilà pourquoi, tout en tenant à ce que la philosophie de saint Thomas soit étudiée en latin, nous avons établi que les leçons y seraient données en français. Je veux et souhaite la prospérité de mon Institut [1].


L’Institut fondé par moi ; mon Institut : ainsi Léon XIII qualifiait-il cette œuvre, dont les ennemis prétendaient, quatre ans plus tôt, qu’elle était d’ores et déjà désavouée. Définitivement ils avaient échoué. Ils avaient cru nuire au professeur Mercier ; et sans le savoir, sans le vouloir, ils avaient achevé de modeler en lui l’homme d’énergie patiente, indomptable, égale à toutes les souffrances, qui plus tard étonnera d’autres ennemis et saura mettre à la gêne leur orgueil de vainqueurs.

L’Institut supérieur avait échappé à la crise qui risquait de lui être mortelle ; et sur l’horizon des intelligences, saint Thomas continuait de monter. Ce n’est pas que Mgr Mercier fût homme à jurer systématiquement sur les paroles d’un maitre ; et volontiers il rappelait que saint Thomas, tout le premier, eût condamné ceux qui eussent asservi leur pensée à la sienne, et qu’il nous avertit, au début de la Somme, de ne pas exagérer la valeur de l’argument d’autorité [2]. A l’instant même où Mgr Mercier venait d’exprimer son admiration pour la psychologie thomiste, il se hâtait d’ajouter :


Est-ce à dire que nous regardions la psychologie de l’École comme le monument achevé de la science, devant lequel l’esprit devrait s’arrêter dans une contemplation stérile ? Évidemment non : la psychologie est une science vivante : elle doit évoluer avec les sciences biologiques et anthropologiques qui sont ses tributaires [3].


Il admettait qu’employée à contretemps, la méthode scolastique pouvait avoir des inconvéniens ; et il reconnaissait, inversement, que la philosophie moderne peut être utile au néo-thomisme, d’abord en posant le problème de la valeur de la connaissance, puis en favorisant le développement de l’observation scientifique et de l’expérience en psychologie [4]. En définitive, il ne tenait pas la philosophie thomiste « pour un idéal qu’il fût interdit de surpasser, ni pour une barrière traçant des limites à

  1. Revue néo-scolastique, février 1901, p. 84-85.
  2. Mercier, Logique, 5e éd. (1909), p. 48, n. 1.
  3. Ibid., Psychologie, 6e éd. (1903), I, p. 1.
  4. Ibid., Logique, 5e éd. p. 349-351. — Les origines de la psychologie contemporaine, 2e éd. p. 468 et suiv.