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autres armées opérant dans le Luxembourg. A la manœuvre allemande, il oppose une manœuvre inspirée par sa volonté constante de briser l’armée allemande de l’Ouest allongée outre mesure, en l’arrêtant à gauche et en l’attaquant sur un point faible de son immense développement.


Ainsi, à la date du 20 août au soir, deux grandes armées, de forces égales, — dépassant chacune 500 000 hommes, — s’avancent l’une vers l’autre, sur le territoire belge, avec une même volonté d’offensive.

Nous avons dit l’impulsion prodigieuse donnée à l’armée allemande et sa direction droit à l’Ouest ; mais nous n’avons pas assez dit l’effort imposé aux troupes de ces armées et les marches surhumaines qui leur sont ordonnées.

Les étapes de l’infanterie sont, chaque jour, de 35 à 50 kilomètres. Partis tard, il faut que les gros arrivent au but d’un bond. Tous les moyens mécaniques, voies ferrées, automobiles, bicyclettes, sont employés et multipliés à l’infini. Ces premières journées de la campagne, sous les ardeurs de la canicule, offrent le spectacle d’une course terrible, haletante, dont le soldat allemand accomplit le tour de force, voulu par ses chefs mais qu’il payera plus tard.

L’armée des alliés se présente dans des conditions différentes. Formée un peu tardivement, elle aussi a subi de dures fatigues ; mais surtout elle souffre du défaut de coordination dans le haut commandement. Chacune des armées, française, anglaise, belge, a ses chefs propres ; ils ont peu de rapports entre eux et ces rapports sont mal définis. Les plans ne sont ni délibérés, ni coordonnés. Il est permis de dire aujourd’hui que le commandement belge, en prenant le parti de retirer son armée dans le camp retranché d’Anvers, obéit à une conception politique et militaire qui n’était déjà plus conforme aux nécessités du moment. De même, l’armée britannique n’apparut dans la région que le 23, tandis que la bataille était engagée depuis deux jours et déjà compromise entre Namur et Charleroi. Le rôle d’aile tournante que l’armée anglaise devait remplir fut ainsi manqué à l’heure décisive.

L’armée Lanrezac était puissante ; elle était rendue sur le terrain. Cependant, certaines divisions de réserve, envoyées en renfort, n’étaient pas en place, notamment la 51e division