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flattait le plus son regard, et en estimait le prix. Nous n’avons pas cherché à opposer une résistance inutile. Nous avons seulement supplié quelques-uns de nos aimables visiteurs de nous revendre ceux des souvenirs auxquels nous tenions le plus. Ils refusèrent. Peut-être notre probité leur a-t-elle paru suspecte, et nous ont-ils jugés capables d’évaluer ces objets au-dessous de leur valeur... Tout ce qu’il nous a été permis d’emporter, c’est un. petit sac à main... Encore nous sommes-nous estimés heureux de nous en tirer ainsi !...

M. Kharitonoff, commissaire du rayon de Kholomensky où se trouve le palais, est un bolchéviste, ami de Lénine. Lorsqu’on lui annonça que les anarchistes avaient pris possession du palais Leuchtenberg, il se hâta d’aller, se réfugier auprès du chef de son parti afin de n’avoir pas à sévir contre eux.

Il y a quelques jours, à Lesnoï [1], j’ai assisté à un étrange spectacle. Dans le jardin d’une villa, des sièges du plus pur Louis XV, recouverts de Beauvais ou d’Aubusson, étaient dispersés à travers les allées ou dans les massifs encore encombrés de neige. Sur l’un des fauteuils, — habitué à de plus délicats contacts, — un tonneau était placé. Debout sur ce tonneau, un homme en haranguait d’autres !... Cette scène de vandalisme se passait dans le jardin de la villa Dournovo que les anarchistes avaient daigné trouver à leur convenance. Quelques jours plus tard, la villa du général Dournovo ainsi occupée est devenue un second « fort Chabrol » autour duquel se sont livrés de véritables combats.

M. Sakhanowsky, chef avéré du parti anarchiste, possède deux villas en Finlande. J’ignore s’il se les est acquises par les mêmes procédés délicats...

Le district de Schusselbourg, avec sa forteresse, dans une île du Ladoga, a essayé de se constituer en république. La tentative a heureusement été réprimée. A Orianenbaüm, les pillages succèdent aux incendies ; l’autorité locale est impuissante à rétablir l’ordre. A Nijni Novgorod, des bandes attaquent les hôpitaux de guerre, brisent les vitres des maisons, détériorent les cheminées. Elles exigent la fermeture des cinémas ouverts pour l’instruction du peuple. « Nous n’avons pas besoin d’instruction, disent ces forcenés, nous vivrons bien sans cela ! » A

  1. Faubourg de Pétrograd.