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des champs, des villages, des cités : elle arrête la scélératesse en marche et, en la faisant butter, on empêche l’envahisseur de proclamer la victoire totale de son banditisme. Que cette barrière fragile tombe, c’est, par ailleurs, un nouveau morceau de France menacé d’invasion et, de Dunkerque à Calais, notre littoral directement en cause : gros aléa, car ce littoral, c’est la région où se noue matériellement le lien entre France et Angleterre. Que durera la guerre ? Peu importe ! Pour des mois, des années peut-être, les relations seraient étrangement gênées entre les Alliés et une base livrée à l’Allemagne, d’où elle menacerait directement l’Angleterre. Enfin ce serait notre front français tourné vers sa gauche et la course à la mer, — cette prodigieuse opération stratégique, — aboutissant à un échec humiliant.

Tout cela, le haut commandement français l’a pensé et le général en chef est bientôt résolu à fournir à son haut lieutenant, le général Foch, toutes les troupes que celui-ci réclamera. On renoncera momentanément aux opérations projetées : on stabilisera volontairement, de Belfort à Arras, le front reconquis, pour que, dans les Flandres, nos meilleures troupes viennent étayer et au besoin relever nos alliés et les trop faibles unités françaises du début de la bataille.

Foch, de son quartier général, a envisagé la situation avec ce bon sens, base de toute science militaire. Ce professeur d’hier, ce directeur des études militaires, s’est déjà révélé au feu, — des combats de Nancy à ceux de la Marne, — le grand chef que nous venons de voir agir. Rien ne semble ni l’étonner, ni l’émouvoir. Placé en face de cette arène, d’abord vide de soldats, qu’est la Flandre, puis de ce chaos militaire qu’est ensuite le champ de bataille, il supplée d’abord aux forces par les combinaisons et, ne s’enfermant dans aucune formule absolue, tire cependant un monde de ce chaos. Sa belle humeur cordiale et communicative le fait accepter, sinon comme le chef suprême (la chose eût été préférable, certes), du moins comme un conseiller, et, j’ai déjà dit le mot, un « ordonnateur » de la bataille par les chefs alliés. Son cœur se fait ici le meilleur auxiliaire de son esprit. L’Histoire fera connaître les entrevues au cours desquelles, de Fumes à Saint-Omer, du grand quartier général belge au grand quartier général anglais, se forgea cette entente dans l’Entente qui fait un égal honneur à celui qui dicta des conseils et à ceux qui les surent écouler. Les