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L’ALSACE-LORRAINE À LA VEILLE DE LA DÉLIVRANCE.

est resté ce qu’il était depuis deux siècles, le plus ferme, le plus décidé champion de l’idée française. »

Il attendait avec une patience, qu’aucune déconvenue ne faisait fléchir, l’heure marquée par la Providence pour son affranchissement. Il savait que le droit violé aurait, tôt ou tard, sa revanche, et il voulait que la France retrouvât ses enfans perdus, tels qu’elle les avait laissés, avant leur exil, dévoués, confians, n’ayant au cœur qu’un seul amour, celui de la vraie, de l’unique Patrie.

Les sentimens des Alsaciens-Lorrains se révéleront au grand jour, dès que les Allemands n’auront plus le pouvoir d’en étouffer l’expression sous le boisseau de leur tyrannie. La France sera joyeusement surprise alors de constater que près d’un demi-siècle d’éloignement n’a rien changé au cœur des exilés, mais que l’amour de ceux-ci pour leur ancienne patrie n’a fait que grandir et que s’affiner à la flamme de la longue et douloureuse épreuve.

L’aurore du jour béni de la délivrance point à l’horizon. L’Allemagne, dans sa démence mégalomane, a déchaîné sur le monde la guerre de conquête, qui, pour la France, est devenue la guerre de la Revanche. Hier encore l’Alsace-Lorraine se consolait en se berçant de lointaines espérances. Aujourd’hui c’est dans l’assurance de l’affranchissement définitif qu’elle salue l’arrivée prochaine de ses libérateurs. Fière, heureuse jusqu’à l’ivresse, elle renoue la tradition de son histoire violemment déchirée par les événemens qui firent d’elle la rançon de la Patrie tant aimée. La protestation prophétique de Bordeaux, cette traite que Keller, Grosjean et leurs vaillans compagnons avaient tirée sur l’avenir, arrive à échéance. La confiance tenace des annexés n’a pas été trompée. La France, elle non plus, je m’en porte garant, n’éprouvera pas de déconvenue ; car, dans ses provinces reconquises, elle trouvera, joyeux et décidés, les fils de ceux qui, au lendemain de l’année terrible, avaient « proclamé à jamais inviolable le droit des Alsaciens-Lorrains de rester membres de la Patrie française ! »

E. Wetterlé.