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seront chargés de protester contre l’abandon de leurs provinces. Tout le monde connaît aujourd’hui la déclaration de Bordeaux, ce document tragique, qui, pendant les quarante-quatre années d’exil, est resté la charte des annexés. Il est nécessaire cependant de constamment en citer les passages principaux, ceux qui affirment les droits imprescriptibles de la France sur les territoires, qui lui ont été violemment arrachés :

« En foi de quoi, nous prenons nos concitoyens de France, les gouvernemens et les peuples du monde entier à témoin que nous tenons d’avance pour nuls et non avenus tous actes et traités, vote ou plébiscite, qui consentiraient abandon en faveur de l’étranger de tout ou partie de nos provinces de l’Alsace et de la Lorraine.

« Nous proclamons, par les présentes, à jamais inviolable le droit des Alsaciens et des Lorrains de rester membres de la nation française et nous jurons, tant pour nous que pour nos commettans, nos enfans et leurs descendans, de le revendiquer éternellement et par toutes les voies, envers et contre tous usurpateurs. »

Notons en passant que Keller, chargé par les députés de lire cette magnifique déclaration, s’inscrivait d’avance en faux contre tout « plébiscite. » Il prévoyait en effet que le moment viendrait où, acculés aux pires difficultés internationales, les Allemands pourraient en venir à organiser une consultation populaire truquée pour faire ratifier après coup la violation du droit par les annexés eux-mêmes. Et d’avance il rappelait que ceux-là seuls étaient autorisés à formuler leur protestation, qui avaient été les victimes de l’attentat.

À quelques années de là, les Alsaciens-Lorrains élisaient leurs premiers représentans au Reichstag. Quel fut de nouveau le premier acte des quinze députés des pays annexés ? La protestation, une protestation à la fois énergique et touchante, dont les rires épais et les grossières interruptions des Allemands ne firent que relever l’incomparable dignité. De ce document je ne retiendrai de nouveau que les phrases essentielles :

« Votre dernière guerre, terminée à l’avantage de votre nation, donnait incontestablement à celle-ci des droits à une réparation. Mais l’Allemagne a excédé son droit de nation civilisée en contraignant la France vaincue au sacrifice d’un million et demi de ses enfans. Au nom des Alsaciens-Lorrains,