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de l’attachement général d’une population qui lui devait et l’idée de la Patrie et le sentiment de la solidarité.

Est-il encore nécessaire de rappeler que le traité de Westphalie (1648) fut confirmé par le traité de Nimègue (1678) et qu’en 1679, le marquis de Monclar, grand bailli du roi, reçut le serment des villes de la Décapole ? L’acte de cession était donc parfaitement régulier. Comme il répondait encore aux vœux nettement exprimés des habitans de l’Alsace, les savans allemands sont mal venus à invoquer l’histoire pour justifier l’attentat dont Guillaume Ier et ses complices se rendirent coupables lorsque, contre la volonté des Alsaciens-Lorrains, ils incorporèrent de force à leur empire un territoire sur lequel ils n’avaient aucun droit.

Il est d’ailleurs assez curieux de constater que c’est au bénéfice de la Prusse qu’on fait valoir l’argument historique. Or, l’empire germanique actuel, d’où la Prusse a chassé l’Autriche en 1866, n’est nullement l’héritier du Saint-Empire, qui s’attribuait des droits sur l’Alsace-Lorraine. À aucun titre, les Hohenzollern ne sauraient revendiquer nos provinces.

Bien mieux, les Prussiens ne sont même pas des Germains. Le Brandebourg, berceau de leur monarchie, était habité par des Wendes et des Masures. Les chevaliers teutoniques imposèrent leur domination à ces Slaves et en firent un peuple de guerriers. Je me souviens qu’un jour, au Reichstag, le vice-président de la Chambre hessoise, un bon géant aux yeux bleus, me désignant d’un geste très large les bancs où siégeaient les conservateurs prussiens, me dit, avec une moue dédaigneuse :

— Ça, des Germains ? allons donc ! Des Slaves germanisés ! C’est nous autres. Allemands du Sud, qui sommes les vrais Germains.

Et il avait raison. Les Prussiens sont, de toutes les nationalités qui forment l’empire, les moins qualifiés pour parler au nom du germanisme. Ni par la race, ni par le consentement des peuples qu’ils ont asservis, ils ne sauraient établir leur droit de dominer l’Allemagne et de recueillir l’héritage des anciens empereurs. Ils se moquent donc de nous quand, pour