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L’ALSACE-LORRAINE À LA VEILLE DE LA DÉLIVRANCE.

ils comptaient faire le plus judicieux usage et, du même coup, de sauvegarder les traditions historiques et les aspirations nationales de la population indigène.

C’est ainsi que devait naître le parti autonomiste, ce parti qui fut d’abord celui des ralliés, et qui, plus tard, devint celui des protestataires.

À l’étranger, on s’est complètement mépris sur la signification de cette évolution purement apparente. Que de fois n’ai-je pas entendu des observateurs superficiels en tirer les conclusions, pour nous, les plus inattendues : « L’Alsace-Lorraine ne demande plus qu’une autonomie semblable à celle des États de la Confédération germanique. Elle sera parfaitement satisfaite de son sort, le jour où elle l’aura enfin obtenue. » Rien de plus inexact. Les Allemands, qui pourtant sont des psychologues détestables, ne commettaient pas cette grossière erreur. Ils savaient fort bien que nous souhaitions de nous gouverner nous-mêmes, uniquement pour pouvoir nous soustraire à l’emprise germanique. S’ils n’avaient pas eu cette persuasion, peut-être se seraient-ils décidés à relâcher un peu les liens qui nous enserraient.

Pour nous la lutte pour l’autonomie nous permettait d’évoluer librement. Deux hypothèses se présentaient en effet devant nous : ou bien l’empire, désireux d’écarter enfin la question d’Alsace-Lorraine, nous permettrait de former un État indépendant, et alors nous profiterions des libertés conquises pour renouer la chaîne de nos traditions françaises ; ou bien il opposerait à nos justes revendications une fin de non-recevoir absolue, et alors nous pourrions arguer de son refus pour entretenir dans notre population l’esprit d’opposition irréductible, tout en ne sortant pas des voies légales.

Voici donc comment nous raisonnions : « Vous avez, disions-nous à nos maîtres, fait de nous des Allemands, bien que notre attachement à la France vous fût connu. Encore exigeons-nous que vous nous accordiez les privilèges dont jouissent tous les groupemens nationaux de l’Allemagne. L’empire est une fédération d’États qui, tous, jouissent de l’indépendance la plus complète. L’Alsace-Lorraine seule est propriété collective de tous les souverains allemands. Cette exception ne saurait se justifier que par la volonté de nous traiter en Allemands de seconde classe. Tant que vous ne nous ferez pas bénéficier des libertés