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Jusqu’en 1914, l’Alsace-Lorraine fut encore gratifiée d’une législation particulière sur la presse, en dérogation de la loi d’empire. Pendant la période dictatoriale, nos journaux, toujours menacés de suppression arbitraire, ne reflétaient qu’imparfaitement l’opinion publique. Même quand leur existence fut assurée, ils continuèrent à être soumis à l’obligation de dépôt d’un cautionnement. De plus les autorités administratives pouvaient à tout moment supprimer le débit aux feuilles étrangères.

La Constitution de 1911 ne représentait, en aucune manière, un progrès dans la voie de l’autonomie de l’Alsace-Lorraine. En France, la création de nos deux Chambres, dont l’une était nommée au suffrage universel, avait produit une impression favorable. On ne s’était pas rendu compte de la portée des restrictions qui, de fait, devaient complètement paralyser l’action du parlement. Les Alsaciens-Lorrains, eux, ne s’y étaient pas trompés, et ils considéraient à bon droit la transformation des institutions constitutionnelles comme un recul nettement accusé. Cela m’amène à parler du mouvement autonomiste qui fut si mal compris en dehors de notre petit pays.

Pendant les années qui suivirent l’annexion, les Alsaciens-Lorrains, repliés sur eux-mêmes, tout entiers à la douleur de la séparation, escomptant une délivrance prochaine, ne demandaient à leurs représentans que de porter à Berlin l’expression de leur révolte contre la violence dont ils avaient été les victimes. Ce fut l’époque de la protestation héroïque, qui se prolongea jusqu’en 1887.

Lorsque, après les élections du septennat, fut inauguré dans nos provinces le régime de la répression à outrance, lorsque, suivant l’expression énergique de Preiss, « la paix des cimetières » régna sur le pays terrorisé, la plate-forme électorale fut modifiée. Les Alsaciens-Lorrains, se rendant compte que la protestation ouverte, violente, telle qu’ils l’avaient pratiquée jusque là, était stérile et faisait le jeu de leurs oppresseurs, qui en prenaient prétexte pour rendre chaque jour leur joug plus écrasant, adoptèrent une solution intermédiaire. Celle-ci devait permettre aux Français des provinces annexées de conquérir, dans le cadre de la Constitution de l’empire, les libertés dont