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On a applaudi ce joli morceau, où paraissait l’historien des Mœurs du temps. Mais bientôt M. Capus a retrouvé, devant ces déductions troublantes, son optimisme accoutumé. « Tout s’arrange, a-t-il dit à peu près. La nature agit vis-à-vis de nous, et malgré nos soupçons à son égard, avec délicatesse et bonne foi. Elle ne nous a jamais promis formellement que le soleil se lèverait tous les matins sans exception, et cet astre, pourtant, n’y a jamais manqué, sans se préoccuper d’obéir à Copernic plutôt qu’à Ptolémée. » Ainsi l’auteur de la Veine appliquait à la philosophie de Poincaré son optimisme et cet esprit de confiance qui est une forme de la conservation de l’énergie.


Quand M. Capus eut fini de parler, M. Donnay chaussa de vastes lunettes, et se tournant sans se lever vers le récipiendaire, il commença à lire, à dire, à nuancer un discours aimable, subtil et fort. Et c’était un grand sujet de curiosité que d’entendre Donnay parler de Capus. Avec de grandes différences entre eux, ils sont associés dans l’esprit du public, et ils le seront dans l’histoire des lettres : car ils représentent l’un et l’autre un même moment de l’histoire du théâtre, et, pour les entendre, il faut se rappeler dans quel temps ils ont paru.

L’histoire du théâtre ne va point, comme le temps, d’un mouvement uniforme. Elle passe à des points morts, s’y arrête, et rebondit d’un élan. L’historien qui la divise en périodes ne fait que la peindre telle qu’elle est. Or, vers 1890, elle passait par un de ces temps morts. Au théâtre bourgeois de doctrine et agencé de composition, tel qu’on l’aimait vers 1850, avait succédé, vers 1880, un théâtre nouveau qui était l’application du réalisme. Ce théâtre nouveau a commencé, si l’on veut, quand Becque fit jouer à la Comédie-Française Les Corbeaux, le 14 septembre 1882. Au début de 1887, Antoine fonda le Théâtre-Libre, d’où les auteurs réalistes gagnèrent les autres théâtres, y apportant, avec des tempéramens divers, deux traits constans : la satire sociale et le réalisme sentimental. Leur succès resta contesté. A quelques exceptions près, la nouvelle école ne fit guère d’argent. Et l’ancienne, qu’elle avait tuée, n’en fit plus. Les théâtres se trouvèrent, vers 1891-1892, dans la situation la plus fâcheuse. Les caisses étaient vides. Faute de spectateurs, le Gymnase fut obligé, deux fois en pleine saison, de faire relâche. A la fin de la saison 1892, les directeurs éperdus essayèrent de se grouper en syndicat et n’y réussirent pas. Le Théâtre-Libre fut lui-même