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II semble à beaucoup de Français, — pas à tous, heureusement ! — que « tenir » dans les tranchées du front occidental doive désormais suffire à toutes les exigences d’une situation dont l’issue s’enveloppe pour eux de quelques nuages, et qu’en tout cas, on ne puisse pas demander davantage à une nation qui a déjà tant souffert et dont le sang généreux a coulé par tant de blessures. D’ailleurs, l’Amérique n’est-elle pas là avec toute son énorme puissance ? N’aurons-nous pas bientôt, pour reconquérir ce qui reste encore de notre sol entre les mains de l’ennemi, le million de soldats qu’elle nous a promis ? Déjà les premiers contingens arrivent !...

Quels périls ne résulteraient pas dans l’avenir, au moment du règlement de comptes final, d’une conception qui attribuerait, si on la poussait un peu loin, à d’autres qu’aux Français eux-mêmes le rôle principal dans la récupération de nos territoires, c’est ce que ne se demandent pas les prêcheurs de faiblesse, dont toute la préoccupation n’est, au fond, que de se ménager la faveur de la masse qui ne voit pas au delà des épreuves de l’heure présente...

Mais laissons cela : aussi bien cet état d’esprit où l’on retrouve, avec la déception à laquelle je faisais allusion tout à l’heure, les angoisses d’une crise économique et le travail souterrain de révolutionnaires suspects d’intelligence avec l’Allemagne, le verrait-on se modifier brusquement au premier succès important de nos armes ou seulement si cette nation, qui a déjà donné tant de preuves de confiante fermeté, se sentait poussée par des mains énergiques dans la voie des mesures décisives, en ce qui touche la politique de la guerre.

Oui, j’en ai la pleine conviction, la France n’attend, pour retrouver tout son élan comme pour voir renaître tous ses espoirs, que des déterminations vigoureuses des gouvernemens alliés, des déterminations de haute portée, où elle reconnaîtra la claire intelligence de ce qu’il faut faire enfin pour vaincre, où elle sentira passer le souffle émouvant des grandes conceptions offensives.


Mais avant d’essayer, comme je l’écrivais le 1er juin dernier, d’indiquer à larges touches, — et en m’excusant de la témérité grande ! — « les solutions qui me paraîtraient satisfaire aux données du plus grave problème que cette guerre extraordinaire