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cent quatre-vingt-deux personnes, âgées de seize à soixante ans, fut mis en route le 17 février 1917. Le départ des jeunes filles, dit un témoin, a donné particulièrement lieu aux scènes les plus douloureuses. Le 13 mars, vingt-trois autres personnes furent emmenées en captivité, notamment M. Lefèvre, boulanger, faisant fonction de maire à Roye ; M. Carpentier, huissier, délégué du Comité d’alimentation hispano-américain ; Mme Dhilly, faisant fonction de maire à Solente, et plusieurs maires des communes voisines.

Malgré ces angoisses, ces ruines, ces deuils et ces déchirantes séparations, dans ce coin de France où les communes furent si cruellement éprouvées, jamais la vie municipale n’a été interrompue. Régulièrement, il y avait délibération du Conseil. Admirable exemple de continuité dans la vie française et dans la résistance nationale. On sent ici le ferme cœur et la volonté tenace de ces communes de Picardie, qui sont les plus anciennes de toute la France, ayant reçu leurs chartes d’affranchissement, dans les vallées de l’Oise, de l’Aisne et de la Somme, au temps des premiers rois de la dynastie capétienne.


Ham.

— Voyez, me dit M. Étévé, adjoint au maire de Ham, le registre de nos délibérations. Nous sommes fiers de penser qu’il pourra servir de document à ceux qui feront demain l’histoire de la France d’aujourd’hui.

On ne peut regarder sans émotion ce gros cahier dont la calligraphie nette et loyale raconte, avec la sobre précision d’un procès-verbal, la vie de la cité triste, fière, et toujours animée d’une secrète et invincible espérance, malgré la présence odieuse de l’ennemi. Les Allemands, venant de Péronne, arrivèrent à Ham dans la matinée du samedi 29 août 1914. A partir de ce moment, la ville de Ham fut séparée du reste de la France. Et cette épreuve a duré jusqu’au 19 mars 1917, pendant deux ans, six mois et dix-neuf jours !

Un des premiers soins des envahisseurs fut d’emmener en captivité le maire de Ham, M. Gronier, qui fut arrêté en même temps que M. Caurette, notaire, et enferme au camp de Holzmiden. Selon les propres paroles de l’adjoint, M. Étévé, « ils ont donné ensuite libre cours à leur instinct de destruction, cassant les meubles, coupant les draps, et causant des dommages