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moment de quitter Fréniches, les Allemands entassèrent dans cette localité la population d’une dizaine de villages des alentours. Ensuite, ils criblèrent le pays d’obus, bombardant notamment le presbytère et la ferme du Bois-Brûlé.


Margny-aux-Cerises.

Dans la fertile plaine du Santerre, que traverse directement la grande route de Noyon à Roye, sur ce sol limoneux et riche où, depuis plus de vingt siècles, le soc de la charrue creuse profondément le sillon propice aux bonnes semailles, il y avait des villages heureux, des bourgades paisibles qui avaient oublié les anciennes invasions et l’horreur des guerres. C’étaient des agglomérations très anciennes, et dont les noms indiquent l’origine agricole. Maisons rustiques, serrées autour d’un clocher paroissial, dans la végétation touffue des vergers, ces habitations, presque toutes bâties sur le même plan, avaient accueilli certaines industries rurales, par où s’était accrue la prospérité du pays. Margny-aux-Cerises, près de l’Avre picarde, à huit kilomètres de Roye, était un lieu si avenant et si tranquille, que les Allemands en firent un cantonnement de repos. On y voit encore l’enseigne de la Dortmunde Union Bier, qui est apparemment une société coopérative pour la consommation de la bière. Avant de s’en aller, les Allemands ont fait sauter à la dynamite tout ce qui restait debout. On dirait qu’un tremblement de terre a bouleversé ce village de Picardie. Et l’on reste confondu par la disproportion des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus. Dépenser tant de dynamite et de cheddite pour anéantir des étables, des granges et des poulaillers !

Autour du cimetière où reposent quelques pionniers de la Garde prussienne, Margny-aux-Cerises offre le spectacle d’une dévastation dont le contraste avec ce nom printanier est véritablement tragique. Squelettes de maisons, cadavres d’arbres, tous ces lamentables restes sont plus tristes encore sous l’éclatant soleil qui rayonne magnifiquement sur les tombes et sur les ruines. Contre l’église, les Barbares ont employé un bélier à roues, pareil aux machines de guerre de l’antiquité. Plus une