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Dans la journée du samedi 24 février 1917, un officier, se disant délégué de la trésorerie de Berlin et accompagné d’un soldat, se présenta chez M. Brière, banquier à Noyon, et le requit d’ouvrir ses coffres-forts. Le banquier ayant refusé, le soldat, muni d’un de ces chalumeaux dont se servent les chimistes dans leurs laboratoires pour fondre au moyen d’une flamme très forte les plus rebelles soudures, procéda à l’effraction. Tout ce qui se trouvait dans la banque, numéraire, titres, valeurs, effets de portefeuille et de commerce, bijoux, argenterie, comptabilité, archives, tout a été enlevé. Comme le banquier faisait remarquer que ses archives ne pouvaient être d’aucune utilité pour les autorités allemandes, l’officier répondit :

— Nous avons ordre de vider les coffres ; je vide les coffres.

Le 27 février, la banque Chéneau et Barbier reçut, à son tour, la visite de deux officiers et de deux soldats allemands. La même opération au chalumeau recommença. Il y avait à Noyon, rue Saint-Eloi, un bureau de la « Société générale pour favoriser le développement du commerce et de l’industrie en France, » dont le siège social est à Paris. Huit coffres-forts, gardés dans les sous-sols de cet établissement, furent fracturés et vidés.

— C’est la guerre ! disaient les Allemands aux victimes de ces cambriolages méthodiques.

Or, en vertu de l’article 53 de la convention de La Haye, signée par l’Allemagne, « l’armée qui occupe un territoire ne pourra saisir que le numéraire, les fonds et les valeurs exigibles appartenant en propre à l’Etat, les dépôts d’armes, moyens de transport, magasins et approvisionnemens et, en général, toute propriété mobilière de l’Etat de nature à servir aux opérations de guerre... »

Je ne veux pas quitter Noyon sans présenter mes respectueux hommages à la sœur Saint-Romuald, supérieure de l’hospice. Un témoignage officiel de la reconnaissance publique a récemment signalé à l’admiration du pays tout entier le dévouement qu’en des jours tragiques cette humble et sublime servante des malades et des blessés a prodigué aux malheureux dont elle a pu prolonger la vie ou adoucir la mort. Par la porte ouverte d’un dortoir plein de soleil et de lumière, je la vois s’activer