Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se préparaient à la retraite forcée. Toute une rangée de vieux logis, singulièrement pittoresques, a disparu dans ce cataclysme Les lucarnes béantes s’ouvrent sur des charpentes effondrées. Il n’y a plus que de l’ombre et du silence entre ces débris de murailles. Les pans de bois, hourdés en maçonnerie, à la mode du XVe siècle, apparaissent, çà et là, comme les os d’un squelette désarticulé. On se demande où sont maintenant les habitans de ce quartier en ruines. Dès le 16 mars 1917, ils avaient reçu de la Kommandantur un ordre leur enjoignant de se rassembler dans les caves de la ville haute ou dans la cathédrale, et déclarant que toute personne « attrapée » dans les rues par une patrouille serait immédiatement fusillée. Il s’agissait, disait l’ordre, d’une explosion de mines, annoncée pour quatre heures et demie de l’après-midi. En prévision de cet événement, les portes de toutes les maisons devaient rester ouvertes. Ce fut l’occasion d’un pillage général.

On ne saura jamais tout ce que les habitans de Noyon et des autres villes et villages de la Picardie martyre ont souffert pendant cette occupation qui a duré depuis le 30 août 1914 jusqu’au 18 mars 1917. Aux dommages matériels se joignaient les tortures morales. J’ai vu des visages douloureux, qui garderont toujours l’empreinte d’un supplice intérieur et silencieux.

Les affiches de la Kommandantur ou du grand état-major allemand n’ont pas encore disparu des murs de Noyon. Ces documens, qui sont signés tantôt des noms tristement fameux d’un Max von Fabeck ou d’un Fritz von Below, commandans d’armées, tantôt du nom obscur d’un certain major Josephson, racontent presque au jour le jour les procédés imaginés par nos ennemis pour rendre la condition des opprimés plus insupportable. Les peines les plus sévères sont édictées pour la plus petite infraction à des règlemens sans cesse renouvelés, compliqués par une bureaucratie méchamment inventive.

Voici une des affiches, une affiche de couleur verte, imprimée par la Kriegsdruckerei, qu’on pourrait lire s’étalant sur les murs de Noyon :


AVIS AU PUBLIC

Il est rappelé à la population que, par ordre supérieur, tous les habitans du sexe masculin, âgés de douze ans au moins, doivent