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vraiment, toujours prête à reconnaître les talens, s’engoua de Musco, fit de Musco son favori. Elle le consacra aux yeux des autres villes. Quand l’acteur lui revint pour une nouvelle saison, en 1916, il était décidément célèbre.

Deux caractères distinguent son répertoire : la couleur locale, et la farce. La couleur locale consiste moins dans l’étude profonde des mœurs spéciales à la Sicile, que dans l’aspect extérieur des pièces et leur interprétation, l’emploi du dialecte, quelques décors empruntés aux paysages de l’ile, et l’évocation de quelques usages ; surtout, l’entrain, la verve, les clameurs, les gestes, et tout le jeu ensoleillé des acteurs. Pour la farce, accordons que rien n’est pire quand elle est mal jouée ; alors, elle donne la nausée. Au contraire, interprétée par un grand acteur, elle devient épique et admirable. Les traits des caractères, toujours un peu voilés dans la pénombre de la comédie, s’accentuent chez elle, et prennent un relief singulier. L’acteur, en effet, met quelque chose de profondément humain dans les personnages simplifiés et agrandis dont elle se contente. Nous y percions les nuances délicates d’une psychologie très fouillée : mais, en revanche, nous voyons surgir devant nos yeux les types éternels, qui n’ont pas cessé d’être vrais depuis qu’il y a des hommes, et un théâtre : le glorieux, l’ambitieux, le poltron, le mal marié. L’acteur ajoute à l’œuvre ce que sans doute elle ne donnerait pas d’elle-même : le sens de la vie. Lorsque Musco joue, nous reconnaissons les défauts de notre pauvre race humaine ; ceux de nos voisins, quelquefois les nôtres. C’est bien l’allure piteuse du mari faible devant la femme acariâtre ; ce sont bien les gestes gauches du paysan à qui la vanité est montée à la tête ; l’imitation est saisissante, la réalité est atteinte. Il exagère quelquefois, mais dans le sens du vrai ; il ne joue jamais à faux. Il a su voir la vie, la comprendre, et la rendre telle qu’elle est.

Répertoire très simple, par conséquent ; répertoire très honnête : non pas prude ; mais moralement irréprochable, parce que tout y est franc, tout y est sain. Jamais Musco ne doit mettre sur ses affiches l’annonce fatidique, qui indique, suivant l’usage italien, les pièces faisandées : lo spettacolo non è adatto per signorine (le spectacle n’est pas fait pour les jeunes filles). L’analyse des comédies même les plus célèbres ne donne d’elles qu’une faible idée : elles sont sans âme, quand Musco