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forts avait été forcée, le haut commandement français, d’accord avec le gouvernement anglais, songeait à aller recueillir, sous les murs mêmes de la place assaillie, l’armée belge qui en devait sortir. Tandis que le général Pau courait vers Anvers avec mission de donner au Roi toutes indications de nature à assurer la coopération complète des armées belge et française et d’obtenir particulièrement que les troupes belges, sorties de la place, « continuassent leur effort au Sud-Ouest avec les forces alliées, » 6 000 fusiliers marins, débarqués le 7, de Paris, à Dunkerque, sous le commandement de l’amiral Ronarc’h, étaient immédiatement dirigés sur Anvers où ils recevraient les instructions du général Pau. Par ailleurs, le gouvernement britannique jetait vers la place sa 7e division, sous les ordres dé sir Henry Rawlinson. Brigade Ronarc’h et division Rawlinson n’étaient, dans l’esprit des chefs alliés, que les avant-gardes de l’armée alliée elle-même. Celle-ci, se réunissant, dans les circonstances indiquées au début de cette étude, dans le Sud-Ouest de la Flandre, devait, par une offensive à très large envergure, prévue pour le 12, s’avancer, par Tournai, Courtrai, Thourout et Ostende, vers Bruges et Gand et arriver assez vite dans la Flandre orientale pour menacer, en liaison avec l’armée belge, l’armée allemande assiégeante.

La chute d’Anvers ne déconcertait qu’en partie encore ces projets d’offensive ; le général Joffre insistait, — et le général Pau en son nom, — pour que l’armée belge, qui serait sous peu. secourue, essayât de résister à l’ennemi dans la région de Bruges-Gand. Mais, fatiguées, en partie désorganisées, les six divisions belges sorties d’Anvers se sentaient incapables de tenir tête au vainqueur. « La défense héroïque de Liège, sitôt suivie d’une longue retraite sur Anvers, écrit un de leurs compatriotes qui fut témoin de la retraite, de glorieuses et utiles sorties toutes terminées par un dur mouvement de recul vers la protection des forts, l’énervement d’un long siège, ce départ dramatique par le dernier chemin qui fût libre, la fatigue, la faim, le déchirement d’abandonner à chacun de ses pas un peu de sol natal, tout cela avait fait, semblait-il, des fantômes de nos Soldats. »

Tandis que les Anglais de Rawlinson, les fusiliers marins de Ronarc’h, — arrêtés à Gand par la nouvelle de la chute d’Anvers, — et la cavalerie du général belge Witte protégeaient