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leur cœur à l’unisson en face d’un ennemi abominable, abominé, déjà souillé de mille crimes. Des chefs dont je dirai les réciproques témoignages de cordiale confiance à ces soldats qui s’embrasseront dans les tranchées conservées ou reconquises ensemble, tous, s’entr’aidant et reconnaissant leur entr’aide, devaient vaincre parce que, plus même que les Bavarois, Wurtembergeois, Hessois, Prussiens des deux princes de Bavière et de Wurtemberg, ils sont résolus à vaincre, et que cette résolution les fait frères d’armes, frères de pensée.

Sur cette large scène, que la mer elle-même ne ferme pas, mais prolonge et complète, dans ce décor glorieux en sa mélancolie et peuplé de tant de souvenirs guerriers, avec ces acteurs tous animés, — des deux princes allemands aux chefs alliés, — de la résolution de vaincre, le drame s’allait jouer, du 11 octobre au 20 novembre, où tenaient tant et de si grands intérêts.

On peut le diviser en quatre actes — sans entr’actes : l’installation des trois armées alliées sur le champ de bataille : Belges sur l’Yser, Anglais autour d’Ypres, Français partout ; l’assaut allemand de Nieuport à Dixmude, ce qu’on a appelé la bataille de l’Yser, au cours de laquelle les Belges et Français confondus, après des fortunes diverses, parviennent finalement à barrer la route à l’Allemand ; puis ce qu’on a coutume de dénommer la première bataille d’Ypres, où Anglais et Français, après un début d’offensive heureuse, menacés d’enfoncement dans les tragiques journées des 30 et 31 octobre, arrachent à l’ennemi les positions un instant conquises par lui ; enfin, cette deuxième bataille d’Ypres, où, après un nouvel assaut marqué par l’intervention de la Garde, échoue, vers le 15 novembre, la dernière tentative de l’ennemi.

Ce sont ces quatre actes dont il s’agit maintenant de tracer les grandes lignes et de retracer les principales péripéties.


IV. — LES BELGES SUR L’YSER
(9 octobre. — 21 octobre.)

Le 9 octobre, un pigeon arrivait à tire d’aile à la place de Paris ; il portait sous son aile la première nouvelle d’un événement bien grave, qui tenait dans ce court message, venant de la grand’ville assiégée : « Anvers envahi. »

La ville tombait trop vite. Depuis que la première ligne des