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région flamande, je n’avais été frappé de ce caractère d’arène large ouverte aux combats.

C’est d’abord la Dune où, un jour du XVIIe siècle, Condé, hélas ! avec les Espagnols, s’affronta à Turenne et perdit la partie, mer de sable jaune aux vagues immobiles où vient mourir la vraie mer, pâle et triste, bande de terrain souvent large d’une demi-lieue et qui, s’élevant parfois de dix, vingt, trente mètres, — le Hoog Bliker, à Coxyde, atteint 32 mètres, — sert de rebord septentrional, fragile et bas, à la cuvette flamande. De Dunkerque à Nieuport par Coxyde et Oost-Dunkerque, de Nieuport à Ostende par Lombartzyde et Westende, la bande d’or pâle enserre la campagne verte absolument plate où vers la Dune, se traînent les cours d’eau.

L’Yser est le type de ces cours d’eau, le plus important, — et aujourd’hui à tout jamais illustre. Cette petite rivière canalisée, — de Dixmude à Nieuport, — a une pente si insignifiante qu’on se peut demander par quel miracle elle a cours : on lui a, entre Lombartzyde et Nieuport-Bains, à travers la chaîne des dunes, frayé un estuaire cimenté, mais la marée refoulerait le cours d’eau bien en amont de Nieuport-ville, — petite ville forte située à 3 kilomètres plus au Sud, — si un formidable jeu d’écluses, plus que jamais célèbre depuis octobre 1914, ne permettait, au centre de la ville, de manœuvrer d’eau. Que ces écluses soient ouvertes au flux ou brisées par quelque cataclysme, la mer reprendrait jusqu’à six, sept, huit lieues vers le Sud, possession de son ancien domaine.

Car la plaine qui s’étend des Dunes jusqu’à la ligne un peu plus élevée de Saint-Omer-Cassel-Poperinghe-Ypres-Langemark, est de récente existence — s’entend relativement : elle a été conquise, au prix de quel labeur séculaire ! sur les flots marins. Mais, située généralement à un, deux, au plus quatre mètres au-dessus du niveau de la mer, elle est parfois de beaucoup en contre-bas. Et le procès de la terre et de la mer est si peu terminé qu’en plein XIXe siècle, on a vu celle-ci menacer de reprendre sa place. En tout cas, l’élément liquide demeure au fond le maître, sournoisement insinué dans le sol qui reste crevé de toutes parts de lagons, de minuscules étangs, coupé de fossés, — les watergands, — où filtre l’eau, vraie éponge qu’il suffit de presser bien légèrement pour que l’eau suinte de toutes parts sous l’argile : au demeurant, le pays le moins propre à la