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Biscaye, le carlisme des provinces basques, le régionalisme de l’Est, le cantonalisme du Sud-Est, ce mal endémique ou épidémique, qui fut porté à son paroxysme, en 1874, par la débilité anarchique de la Révolution ; jointe à cela, la gêne imposée par une neutralité à laquelle, sauf l’effusion de sang, n’est épargnée aucune des souffrances de la guerre ; jointes à cela, en outre, les dissensions que fomente, entretient, exaspère l’espionnage allemand, les colères que provoquent l’impudence, l’audace allemandes ; oui, tout cela déborde ou menace de déborder et les personnes des ministres et les cadres des partis. Le point faible de la monarchie des Bourbons restaurée nous a toujours paru être dans la force même de l’artisan de cette restauration. L’épigraphe ne se trompait pas, qui, au pied des portraits royaux, disait : « A don Antonio Canovas del Castillo, une famille espagnole reconnaissante, » Comment ne pas nous rappeler que nous écrivîmes ici, lors de l’attentat de Santa-Agueda : « M. Canovas est mort : que Dieu garde l’Espagne et la monarchie ! » Crises encore, et plus que ministérielles encore, en Autriche et en Hongrie, en Cisleithanie et en Transleithanie. Le comte Clam-Martinitz, à Vienne, n’a pu séduire le club polonais, maître du parlement impérial depuis le temps de Badeni et même de Taaffe. L’idée de ressusciter le Reichsrath après une longue léthargie lui a été fatale. Et cette aventure prouve qu’en Autriche, sous Charles Ier comme sous François-Joseph, la monarchie et ses différens peuples ne s’entendeni jamais mieux que dans le silence. A Budapest, un débutant, un tout jeune homme, le comte Maurice Esterhazy, a fini par réussir où les plus vieux routiers avaient échoué. Nous ne savons de lui que son nom, et nous ne voulons le voir qu’à travers les souvenirs de son père, le comte Nicolas-Maurice, et de son grand-oncle, grand seigneur tchèque et président de la Diète de Bohême, le prince Georges Lobkowitz. S’il leur ressemble, il n’aura pas l’espèce d’âpreté fanatique d’un Tisza, et il ne devrait pas, au même degré, être asservi au germanisme. D’aussi faibles indices, il serait imprudent de vouloir tirer un pronostic. Mais, quand on considère les quatre autres comtes qui font partie du Cabinet, et dont le comte Andrassy n’est pas, rien, à première vue, ne détourne de l’impression qu’en Hongrie comme en Autriche, on essaie de donner timidement de petits coups d’épaule pour secouer le joug de Berlin.

Ce joug, la Suisse ne supporte pas qu’on le lui impose d’autorité ou qu’on le lui glisse par hypocrisie. Le chef du département politique, ministre des Affaires étrangères, M. Hoffmann, personnage très