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aurait tort d’envisager qu’un des pays doit y perdre si l’autre y gagne. Des deux côtés, le bénéfice est le même, comme lorsque les valeurs montent en Bourse pour des causes sérieuses, indépendamment de la spéculation.

Il ne faut pas non plus trop s’arrêter à quelques inconvéniens que le temps met parfois en lumière. Les peuples semblent volontiers égoïstes et ingrats. Souvent, dans les affaires faites à l’étranger, on finit par être dépossédé quand leur prospérité s’affirme. C’est un peu ce qui se passe pour les colonies, qui essaiment quand elles sont capables de se suffire à elles-mêmes, ou pour les fils qui abandonnent le nid paternel quand ils peuvent gagner leur vie. La France a fait les chemins de fer espagnols ; ces chemins de fer lui ont été enlevés. Ne disons pas trop vite : Sic vos, non vobis ; à la condition, bien entendu, que les contrats soient respectés et les engagemens tenus…


LES HOMMES

J’arrive enfin à ce capital humain, sans lequel les plus précieuses ressources matérielles d’un pays demeureraient inutilisées, grâce auquel leur valeur peut, au contraire, se trouver décuplée. Un pays est un peu ce que l’a fait la nature ; mais il est beaucoup ce que l’ont fait les hommes. Que vaut le capital humain en Espagne, il est aussi utile de l’étudier que d’examiner ce que sont les réserves en houille.

Pour apprécier l’Espagne comme pour juger la France, on doit, je crois, si l’on veut être équitable, faire abstraction d’une administration par laquelle la nation n’est que très imparfaitement représentée. Quand on laisse de côté ce personnel paralysant pour ne considérer que le personnel agissant, on peut y distinguer, comme dans toute mobilisation, trois degrés : les officiers, les sous-officiers et les hommes. Tous sont également indispensables. Pour les deux extrêmes, cela va sans dire ; mais le rôle des contremaîtres, qui sont les sous-officiers de l’industrie, n’est pas moins important. En paix comme en guerre, le général le plus habile ne saurait tirer parti des meilleures troupes si elles ne sont encadrées. Or, quand on examine le personnel des industries espagnoles, on constate immédiatement que les grands conducteurs d’hommes ne font pas défaut. On trouve, en nombre suffisant, des esprits généralisateurs aux