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l’histoire et la constitution des chemins de fer espagnols, on se borne à étudier la carte de leurs réseaux, leurs tarifs et leurs horaires, on est trop souvent amené à des constatations fâcheuses. À tort ou à raison, les plaintes contre les Compagnies exploitantes sont très vives et très générales en Espagne. Ceux qui les formulent auraient parfois avantage à connaître mieux le régime légal et financier des Compagnies, qui explique bien des choses. Mais ne cherchons pas à quelle époque remonte le mal, ni à qui en incombe la faute. Restons strictement dans notre sujet. Parmi les défauts visibles des chemins de fer espagnols, il en est qui ne peuvent être réformés sans beaucoup de patience, d’argent et, j’allais ajouter, d’adresse, comme l’enchevêtrement singulier des réseaux, d’autres qui comporteraient des dépenses difficiles à couvrir, comme l’amélioration des gares, la multiplication des trains, ou les 10 000 kilomètres de chemins de fer stratégiques récemment proposés. Il semblerait plus simple de revoir les tarifs ou les horaires, et d’électrifier certaines lignes montagneuses. Mais surtout, il paraît possible d’aborder progressivement une question qui touche tout particulièrement la France, et l’extension du commerce international.

Les chemins de fer espagnols présentent, de la façon la plus capricieuse et avec les enchevêtremens les moins coordonnés, toutes les largeurs de voie imaginables. Celle que l’on y rencontre le plus rarement est celle qui relierait l’Espagne avec l’Europe : la voie de 1m, 44, uniformément adoptée sur tout le reste du continent à l’exception de la Russie ; d’où la nécessité de transbordemens, les arrêts, les ruptures de charge… Depuis longtemps, on parle d’adopter en Espagne, comme voie normale, la voie européenne, en réservant un type unique de voie plus étroite pour les chemins de fer d’intérêt local.

Les objections sont de deux ordres : la dépense, évidemment importante à cause du matériel roulant, mais peut-être moins considérable qu’on ne l’imagine, puisqu’il s’agit de réduire la largeur actuelle ; et les considérations stratégiques. Ces dernières paraissent avoir été parfois mises en avant pour agir sur une opinion publique insuffisamment éclairée. On peut, ce semble, les comparer aux objections qui ont arrêté si longtemps le tunnel sous la Manche, avant les enseignemens trop clairs de la Grande Guerre. S’il est un pays en Europe, auquel sa situation et ses frontières naturelles (pour ne pas parler sentimens)