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qu’il était guidé par l’unique souci de conserver la paix en Extrême-Orient au moyen de mesures attentives de précaution, et que c’était là pour lui un devoir de bon voisin.

Yuan, mal renseigné sans doute sur le cours des événemens du monde, égaré par les conseils de la légation d’Allemagne, crut pouvoir tout d’abord ne pas tenir compte de cet avis du gouvernement japonais. Il répondit qu’il s’agissait là d’une affaire de politique intérieure, que le gouvernement chinois ne pouvait s’opposer aux vœux du peuple, qu’il était seul responsable du maintien de l’ordre. Lorsque, au mois de décembre, une délégation des diverses provinces se rendit à Pékin pour déclarer au président que les collèges électoraux du pays réclamaient le rétablissement de la monarchie, Yuan affecta de s’être laissé forcer la main et d’avoir dû, le 12 décembre, consentir à la publication d’un décret rétablissant l’Empire. Auprès des uns, auprès des légations des Alliés notamment, il maintenait son titre de président ; auprès des autres, auprès des légations d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, il se laissait traiter d’empereur. Il voulut, à cette date, envoyer à Tokyo un ambassadeur extraordinaire pour féliciter l’empereur Yoshi-Hito après l’accomplissement de la cérémonie du sacre, et lui porter la plus haute décoration chinoise. Le gouvernement mikadonal ayant demandé s’il s’agissait d’une décoration impériale ou d’une décoration républicaine, et si l’ambassadeur serait un représentant du président ou de l’Empereur, Yuan se le tint pour dit et renonça à son projet d’ambassade.

Alors apparurent en Chine les premiers signes précurseurs de l’orage. L’amiral Tsing ju cheng, gouverneur de Shanghai, avait été tué à coups de revolver par deux adversaires de la restauration monarchique. Dans ce même port de Shanghai, un cuirassé, à bord duquel étaient des marins rebelles, tira sur l’arsenal et sur la ville. Au Yunnan, l’ancien gouverneur Tsai, brusquement revenu, leva, le 27 décembre, l’étendard de la révolte, protestant contre le rétablissement de l’Empire. Le mouvement ne tarda pas à se propager et à s’étendre. Des manifestes, signés par tous les chefs révolutionnaires, Sun yat sen, Houang sing, Cheng-ki-mei, et même par d’anciens monarchistes tels que Tsen tchouen bien et Liang si chao, attestaient que la révolte allait grandissant. A la fin de janvier, Yuan fit annoncer que la restauration de la monarchie était ajournée.