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Quand nous serons tout seuls, comme on voit sur la grève
Deux promeneurs errans aborder l’infini,
Quand nous nous sentirons, ainsi qu’Adam et Eve,
Isolés, rapprochés, vaincus, maudits, bénis.

Quand je ne verrai plus de l’univers immense
Qu’un peu du rosier blanc et qu’un peu de ta main,
Quand je supposerai que le monde commence
Et finit sur un cœur humain.

Quand j’entendrai chanter les astres, ces cigales
Dont l’éclat jubilant semble un bourdonnement ;
Lorsque je sentirai que l’amour seul égale
L’ordre et la paix du firmament.

Je jetterai mon front dans ta main qui m’enivre.
Je boirai sur ton cœur le baume essentiel,
Afin de n’avoir plus ce long désir de vivre
De ceux qui n’ont jamais goûté l’unique miel
Et qui ne savent pas que le bonheur délivre,
Afin d’être sans peur, sans regrets, sans remords,
A l’heure faible de la mort...


JE CROYAIS ÊTRE...


Je croyais être calme et triste.
Simplement, sans demander mieux
Que ce noble état sérieux
D’un cœur lassé. Le soir insiste !
Avec les glissemens du vent,
Et la froide odeur des herbages,
Et cette paix des paysages
Sur qui le désir est rêvant
Il défait mon repos sans joie,
Ce repos qui protégeait bien,
Il exige, hélas ! que je voie
Ces rusés jeux aériens