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les conduit actuellement à refuser du fret pour ne pas perdre quelques minutes dans une escale et violer ainsi la lettre d’un contrat dont le commissaire du gouvernement à bord est le gardien fidèle. Conséquence déplorable aussi bien pour le pays que pour l’armement.

Une des obligations des Compagnies subventionnées consiste à transporter sur réquisition les passagers de l’Etat. Or, les tarifs appliqués pour les transports des fonctionnaires sont incontestablement beaucoup trop réduits. Pour ne parler que des lignes de la Méditerranée, il est évident que transporter des passagers de 1re classe, entre Marseille et Alger, pour une somme de 40 fr. 75, c’est-à-dire pour un trajet de vingt-cinq heures environ, en cabine, couchés, nourris, constitue une opération qui ne peut se solder que par des pertes. Il en est de même dans les différentes autres classes, puisqu’on 2e classe, entre Marseille et Alger, le prix est de 27 fr. 05 ; en 3e classe, entre Marseille et Bougie, de 16 fr. 95 ; en 4’elasse, entre Marseille et Philippeville, de 15 fr. 15. Tous ces prix laissent les Compagnies concessionnaires en déficit. Si le nombre des fonctionnaires transportés était faible, on pourrait dire que la perte ne constitue qu’une charge relativement supportable ; mais, pendant l’année 1913, le nombre des fonctionnaires civils et militaires a atteint, pour la seule Compagnie Générale Transatlantique, le chiffre de 80 753. Si l’on avait appliqué à ces 80 753 passagers le tarif du commerce, il y aurait eu une recette supplémentaire de 1 440 600 francs. La Compagnie Générale Transatlantique par l’effet de ces réductions manque donc à percevoir une somme supérieure au montant total de sa subvention qui est d’environ un million par an.

Si encore ce tarif, dit « des fonctionnaires, » ne s’appliquait qu’à des personnes ayant véritablement la qualité de fonctionnaires et à leurs familles ; mais, par suite d’une interprétation de plus en plus large de la convention, on a fait rentrer peu à peu dans la catégorie des fonctionnaires quantité de personnes qui n’ont avec l’Etat ouïes municipalités que les attaches les plus lointaines ou même qui n’en ont aucunes. Le gouvernement oblige en effet les concessionnaires à transporter un nombre considérable de personnes « voyageant dans un intérêt d’ordre public. » Le vague de cette rédaction permet de grands abus, auxquels il serait temps de mettre un terme.