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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




De la guerre elle-même, des opérations militaires, il n’y a cette fois que peu de chose à dire. Il semble, non pas qu’on se soit reposé, mais qu’on ait repris haleine un peu sur toute la ligne, de la Mer du Nord à l’Adriatique. Les offensives alternées, la triple offensive d’Occident, l’anglaise, la française, l’italienne ont paru être un instant suspendues. Mais déjà la première se renoue, et l’armée britannique, enlevant le système de défense ennemi au Sud d’Ypres, a conquis une crête qui l’arrêtait depuis 1915, et ramené plus de cinq mille prisonniers.

En face d’elle et de nous, Hindenburg, cette espèce de roi casqué des chemins de fer stratégiques, soumet à un trafic intense les grandes voies qui traversent l’Allemagne d’Est en Ouest et grâce auxquelles il peut tisser ses trames sur l’énorme métier dont des millions d’hommes sont les navettes. Sans métaphore, tout ce que l’inaction du front russe lui permet d’enlever de là-bas, artillerie par centaines de pièces et divisions pas vingtaines, il les jette sur nous ; quant à présent, il s’est borné à nous barrer le passage en contre-attaquant avec l’extrême brutalité qui caractérise sa manière. Il tâte le mur qu’il a devant lui, et si, en quelque point, ses coups de bélier répétés parvenaient à y faire une brèche, il lancerait tout de suite, pour l’élargir et pour y passer, les réserves qu’il économise en Russie, ou gratte dans les fonds de tiroir de l’Empire, transporte et accumule ici. Comme la situation est telle sur le front russe que, bien que ce ne soit pas la paix, ce n’est pas non plus la guerre, il y renvoie à tout événement ses régimens fatigués, qui s’y mettent au vert, tranquillement, dans la douceur imperturbée du printemps septentrional, et nous renvoie autant de régimens frais, qu’il met au feu, jusqu’à ce qu’ayant atteint le nombre de pertes réglementaire, ils soient relevés à leur